"Je confirme le déremboursement des médicaments anti-alzheimer, et ce n’est absolument pas pour des raisons budgétaires. C’est parce que ces médicaments ont été montrés par la HAS comme étant néfastes et entraînant beaucoup d’effets secondaires, avec des fractures et des chutes. Nous dé-remboursons pour que les gens ne les utilisent plus", a confirmé la ministre de la Santé Agnès Buzyn, mercredi 30 mai, sur le plateau du "19/20" de France 3.
Troubles digestifs, cardiovasculaires, neuropsychiatriques
La Commission de la transparence de la HAS a en effet réévalué les quatre médicaments utilisés dans le traitement symptomatique de la maladie d’Alzheimer : Ebixa (Lundbeck), Aricept (Eisai), Exelon (Novartis Pharma) et Reminyl (Janssen Cilag). Elle a estimé que les données accumulées depuis la commercialisation de ces médicaments confirmaient le risque de survenue d’effets indésirables parfois graves (syncopes, réactions cutanées sévères…) et/ou de nature à altérer la qualité de vie des patients (troubles digestifs, cardiovasculaires, neuropsychiatriques…).
Par ailleurs, la HAS a rappelé que la population atteinte de la maladie d’Alzheimer est souvent polypathologique et polymédiquée, ce qui implique que les risques d’interactions médicamenteuses et d’effets indésirables graves sont accrus.
Polémique
Une polémique entoure ces médications depuis des années. "Cela va créer une iniquité entre les familles qui auront les moyens de payer ces médicaments et les autres", explique à La Croix Benoît Durand, directeur général de l’association France Alzheimer. "Bien utilisés, ces médicaments avaient une certaine utilité. On avait de bons retours des patients et des familles", assure encore le professeur Philippe Amouyel (CHRU de Lille), directeur général de la Fondation Plan Alzheimer.
En réponse à ces critiques, la HAS vient de publier un guide sur un "parcours de soins et d’accompagnement adapté" pour les malades d’Alzheimer. "Il est quand même étrange de considérer que le seul signifiant d’une consultation médicale est le médicament, expliquait le docteur Claude Leicher à La Croix en avril 2017. Ce qui est bénéfique pour les patients, c’est d’abord de répondre à leur souhait de rester à domicile où ils ont tous leurs repères, avec un maintien de relations sociales et amicales. Certes, cela ne permet pas de guérir la maladie, mais cela ralentit l’évolution des troubles cognitifs."
"Recharger" le cerveau en acétylcholine
Initialement, ces médicaments ont vocation à "recharger" le cerveau en acétylcholine, un neurotransmetteur qui joue un rôle clé dans les démences. Leur efficacité avait déjà été jugée modeste par la HAS, qui s'était exprimée sur le sujet en 2012 et 2016.
Pour le Dr Virginie Desestret, de l'Hôpital Pierre Wertheimer à Lyon, "cela dépend de ce que l’on entend par le terme 'efficace'. Si l’on parle de guérir la maladie, non. Si l’on parle d’un effet sur les symptômes des patients, alors oui. Ces traitements ne sont pas prescrits à titre compassionnel, pour éviter le désespoir du patient : les patients peuvent bénéficier d’une amélioration ou au moins d’une stabilisation de leur déficit. Sachant que ces médicaments ont d’éventuels effets secondaires, nous ne prendrions pas le risque de les prescrire sans être certains qu’il y a un bénéfice attendu, même modeste."
Sous la présidence de François Hollande, la ministre de la Santé Marisol Touraine avait écarté le 26 octobre 2016 sur RTL la possibilité d'un déremboursement rapide de ces quatre médicaments, jugeant, à l'inverse d'Agnès Buzyn, que leurs bénéfices étaient supérieurs à leurs effets secondaires.
Un transfert vers des compétences humaines
Aujourd’hui en France, plus de 850 000 personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée. Ce sont majoritairement des personnes âgées de plus de 75 ans, même si on dénombre aussi près de 35 000 personnes atteintes avant l’âge de 65 ans.
A ce jour, il n’existe pas de traitement permettant de guérir ces maladies, qui évoluent sur plusieurs années avant de conduire à une perte d’autonomie totale. La somme correspondant au dé-rembousement des medicaments anti-alzheimer sera ainsi "dédiée aux équipes qui prennent en charge la maladie d’alzheimer. Ce n’est pas une économie pour la Sécurité sociale, c’est un transfert vers des compétences humaines", a rappelé la ministre de la Santé Agnès Buzyn.
L'origine de la maladie
Pour pallier le manque de traitement, la recherche se concentre essentiellement sur l’origine de la maladie. Une nouvelle étude a récemment démontré que la maladie d’Alzheimer s'installait chez les patients beaucoup plus tôt que ce que l'on pensait. L'accumulation de la protéine bêta-amyloïde commence très lentement, des années avant que les biomarqueurs ne deviennent anormaux.
La protéine bêta-amyloïde est le composant principal des plaques amyloïdes, un agrégat protéique que l'on retrouve dans les neurones de personnes développant certaines maladies neurodégénératives, dont la maladie d’Alzheimer. Le présence de plaques amyloïdes diminuerait notamment la communication entre les neurones.