Sexe et antidépresseurs ne font pas bon ménage, c’est bien connu. Mais à quel point la prise d’antidépresseurs peut-elle affecter votre vie sexuelle ? Une étude anglo-saxonne relayée le 19 mai dans la revue Uro Today met en lumière les différents troubles sexuels liés aux antidépresseurs, allant de l’éjaculation précoce au trouble d'excitation génitale persistante (SEGP), une maladie encore trop méconnue qui provoque une multitude d'orgasmes en peu de temps et de façon répétée.
Pour mener à bien leurs recherches, David Healy, Joanna Le Noury et Derelie Mangin ont identifié 300 cas souffrant de dysfonctionnements sexuels liés aux antidépresseurs dans 37 pays différents. "A chaque fois, le malade prenait des médicaments comprenant antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, des inhibiteurs de la 5α-réductase et de l'isotrétinoïne", précise l’étude. Et, alors que certains problèmes tels que l'éjaculation précoce et le trouble d'excitation génitale persistante (SEGP) étaient uniques aux antidépresseurs, les scientifiques ont également identifié des symptômes communs à certains groupes de médicaments tels que l'anesthésie génitale, les orgasmes faibles, une perte de libido et l’impuissance. Sans surprise, tous ces effets secondaires provoquaient souvent une rupture amoureuse et le déclin de la qualité de vie du patient.
Parmi les troubles identifiés, le plus méconnu est sans conteste le syndrome d'excitation génitale persistante. Cette maladie, qui ne touche que les femmes, consiste en une perception d'excitation génitale prolongée malgré l'absence de désir sexuel ou de stimulation sexuelle. Si cet état peut en faire rêver certaines sur le papier, il a brisé la vie de nombreuses femmes, comme le montrent divers témoignages sur Internet.
Un orgasme toutes les 30 secondes pendant 4 à 6 heures de suite
En 2008, les médias se sont beaucoup intéressés au cas de Kim Ramsey, une Américaine qui avait développé cette maladie suite à une chute dans un escalier. Quelques jours après être tombée, Kim avait eu un rapport avec son compagnon et avait subi un orgasme répété de façon irrépressible pendant 36 heures de suite. Plusieurs années plus tard, elle n’était pas guérie. "Alors que certaines femmes se battent pour avoir un orgasme, moi je me demande comment arrêter les miens", racontait-elle à la presse, se souvenant s’être un jour assise sur des sacs de petits pois congelés dans l’espoir de calmer son excitation. En vain.
Parfois, la situation devient tellement difficile à gérer pour les femmes atteintes de SEGP que certaines en viennent à se suicider. En 2012, une Américaine de Floride, Gretchen Mollannen, avait décidé de mettre fin à ses jours après avoir eu 50 orgasmes par jour pendant seize ans soit "un toutes les 30 secondes, pendant 4, 6, voire huit heures".
Deux ans plus tard, c’est encore une Américaine qui faisait les gros titres en racontant son calvaire quotidien. "J’ai dû apprendre à ne pas montrer mon excitation, en gardant un visage impassible", expliquait Cara Anya, originaire de l’Arizona, à L’Express UK. "Cela pourrit ma vie parce que cela me rend folle. C’est les montagnes russes permanentes dans votre corps et cela affecte vraiment votre humeur (…). Parfois quand c’est particulièrement horrible, je veux juste fermer les rideaux et ne plus jamais me lever. D’autres jours, j’arrive un peu mieux à me contrôler et je vais juste avoir dix orgasmes dans la journée. Quand cela arrive, je me dis que je pourrais retourner au travail, récupérer ma vie".
Car depuis qu’elle a été diagnostiquée, Cara a dû abandonner son poste de serveuse. La situation a aussi bien sûr mis énormément de pression sur son partenaire puisque la jeune femme est en constante quête d’affection et de câlins en raison de son dérèglement hormonal. "Nous faisons encore l’amour mais cela peut devenir terriblement frustrant pour nous deux puisque je suis toujours excitée", expliquait-elle.
Mais de tous les effets négatifs du SEGP sur sa vie, le pire était clairement l’impact que la maladie avait sur sa vie de mère. "Quand vous êtes avec des enfants, vous vous sentez comme une perverse parce que vous avez toutes ces sensations puissantes dans votre corps en même temps", racontait ainsi Clara qui avait dû s’exclure de la vie scolaire de son jeune fils Merrick car "les enfants ne comprennent pas et les parents non plus". "Nous voulons qu’il se sente comme un enfant normal mais paradoxalement, il ne peut jamais inviter d’amis à la maison parce que maman est malade", se désolait-elle.
Une maladie encore incomprise par les professionnels
Toutefois, il est important de signaler que Cara Anya, Kim Ramsey et Gretchen Mollannen souffrent d’une forme exacerbée du trouble d'excitation génitale persistante : elles ne subissent pas seulement une excitation permanente mais des orgasmes en série de façon spontanée et irrépressible.
Car le SEGP peut se manifester sous diverses formes. Les patientes qui en souffrent décrivent des sensations d’inconfort au niveau de la zone génitale, comme des brûlures, des démangeaisons ou des picotements. Ce syndrome se déclenche tout seul, souvent par des vibrations, et pratiquement permanent ou intermittent. Le plus souvent, il ne se calme qu’avec la masturbation ou autre stimulation sexuelle. Toutefois, si certaines femmes jouissent vite et sont après calmées pour un temps, d’autres ne le sont absolument pas et doivent recommencer aussitôt.
Malheureusement, si l’on connait les manifestations de la maladie, celle-ci étant extrêmement rare, ses origines restent floues. Alors que, selon l’étude relayée ci-dessus, la prise d’antidépresseurs pourrait la provoquer, certains médecins ont également avancé comme explications une carence en fer ou des anomalies du rythme circadien et de certains neurotransmetteurs comme la dopamine, le glutamate et les opioïdes. Certains ont également identifié plusieurs maladies associées à ce syndrome telle que l’insuffisance rénale, la neuropathie ou la sclérose en plaques. D’autres, enfin, associent le SEGP à une vessie hyperactive, une atteinte du nerf pudendal ou du nerf dorsal du clitoris et recommandent donc les électrodes pour venir à bout de l’affliction.
L’absence de consensus autour de la cause de cette dernière la rend bien évidement extrêmement difficile à traiter. Ainsi, les malades ont tendance à faire d’interminables aller-retours chez le généraliste puis le gynécologue et enfin l’urologue pour comprendre ce qui leur arrive et comment se soulager.
"Les prises en charge thérapeutique sont variables comprenant psychothérapie, traitement médicamenteux (sous clonazepam 56 % des patientes ont une amélioration des symptômes de 50 à 90 % de manière durable), stimulation électrique transcutanée (TENS)…", écrivait l’Association Française d’Urologie (AFU) sur son site en 2012 au sujet de la maladie. Et de conclure : "Il s’agit d’une pathologie peu connue et encore peu explorée. Sa connaissance permettra aux praticiens de leur proposer une prise en charge spécifique". Six ans plus tard, il semblerait qu’on n'en sache pas beaucoup plus sur le sujet.