La cancérologie est une science médicale en perpétuel mouvement et chaque année, l’ASCO, le congrès américain de cancérologie réunit près de 40 000 oncologues du monde entier. Cette année, plus de 5000 communications seront présentées sur 4 jours. La France, grâce à la qualité de sa recherche et aux différents plans cancers mis en place, y joue un rôle très actif avec plusieurs études annoncées comme capables de changer les pratiques.
Tenir compte de l'ethnie
Il y a tout d’abord la "première étude ethnique" sur le cancer de la prostate, dont les différences de réponse au traitement chez les hommes blancs et noirs sont attendues. Un élément crucial car le cancer de la prostate est plus grave et plus précoce chez les hommes de couleur, bien que sous-représentés dans les études cliniques. L’étude "Abi Race" analyse une effet l’efficacité de l’abiratérone chez les personnes "qui se déclarent noires" par rapport à celle chez les hommes "qui se déclarent blancs".
De la même façon, une étude a comparé les prises en charge des cancers ORL chez les hommes et les femmes, de grandes différences ayant été observées, avec un probable sous-traitement des femmes.
Irruption de la génétique
Dans cette recherche perpétuelle à l’individualisation du traitement, les chercheurs veulent identifier des marqueurs pronostiques d’origines génétique pour les différents cancers.
C’est particulièrement important pour le cancer du sein le plus fréquent (le cancer hormonodépendant) où tout le monde est persuadé que les traitements sont trop lourds pour bon nombre de femmes. L’objectif est de savoir quelles sont les femmes qui vont le plus bénéficier des traitements les plus lourds et essayer d’alléger les chimiothérapies chez celles qui n’en ont pas besoin. Alors que l’on arrivait pas à identifier ces dernières avec les facteurs classiques, on attend avec impatience les résultats de l’étude TAILORx qui vise à classer sur un score génétique les cancers du sein hormonodépendant, sans récepteur HER2, ni atteinte ganglionnaire, entre ceux qui vont réellement bénéficier d’une chimiothérapie complémentaire et les autres.
Des études antérieures ont démontré que les femmes qui avaient un score bas lors de ce test - effectué sur 21 gènes du cancer - n’avaient pas besoin de chimiothérapie. On attend cette année de savoir si c’est une majorité de femmes qui pourra désormais s’en passer.
L’analyse de l’ADN circulant pour le diagnostic précoce
La biopsie liquide consiste à analyser l’ADN qui circule dans le sang et à en isoler les ADN de différents cancers. Lorsqu’une cellule est détruite, l’ADN qui est contenu dans son noyau est libéré dans le sang avant d’être détruit. Il en est de même pour l’ADN des cellules cancéreuses qui, étant plus actives, libèrent plus d’ADN. L’idée est de voir si la recherche de l’ADN de différents cancers permettrait de faire un dépistage simple et peu coûteux (une simple prise de sang) et surtout à un stade très précoce, un point essentiel pour l’efficacité des traitements. Dans le cancer du poumon, où le dépistage n’existe pas en France, car il est basé sur des scanners du poumon à répétition, il semble que la biopsie liquide soit presque au point : réponse dans quelques jours.
Optimiser les traitements ciblés
L’amélioration du traitement est, bien sûr basée sur de nouvelles molécules, le plus souvent des "traitements ciblés", c’est-à-dire dirigés contre un motif spécifique d’un cancer et situé à la surface de ses cellules, qui permet de les détruire spécifiquement. Il est désormais possible d’augmenter l’efficacité de ces anticorps spécifiques en les conjuguant à une molécule toxique, ce sont les traitements "immunoconjugués" qui agissent comme une "frappe chirurgicale".
Ces nouvelles cibles spécifiques à la surface des cellules de certains cancers peuvent également être recherchées dans d’autres cancers afin de voir si les molécules ciblées déjà disponibles ne pourraient pas y être aussi efficace. C’est ce qui a été fait dans une grande étude française soutenue par l’InCa, le programme AcSé, très prometteuse.
Mais il ne faut pas oublier les immunothérapies qui après avoir révolutionné le traitement du mélanome métastasé, s’annoncent comme des éléments décisifs dans de nombreux cancers et ceci bien avant le stade des métastases.
Optimiser les stratégies
A côté des nouvelles molécules, il est aussi possible de tester de nouvelles stratégies avec des traitements anciens. Il en est ainsi d’une étude qui teste l’intérêt de la chimiothérapie réalisée avant chirurgie d’exérèse dans le cancer du pancréas opérable.
De nouvelles modalités d’administration des chimiothérapies sont également en cours de développement. C’est le cas de la chimiothérapie métronomique qui consiste à administrer de très faibles doses de molécules cytotoxiques, beaucoup mieux tolérées, mais tous les jours, sans interruption, pour ne pas laisser la tumeur se reprendre et améliorer la réponse immunitaire du corps contre le cancer.
Il en est enfin d’une étude française, annoncée comme une révolution dans le cancer du rein métastasé, et qui teste l’intérêt réel de l’exérèse du rein, la néphrectomie, avant la chimiothérapie d’un cancer du rein métastasé.
Nous allons nous efforcer de vous faire vivre au mieux ce congrès de l’ASCO en direct sur ces prochains jours. Il s’annonce comme une édition qui va changer le traitement du cancer.