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QUESTION D'ACTU

Reflux Gastro-Oesophagien

RGO : 1 enfant sur 2 est traité pour rien

10%  des enfants sont atteints d’un RGO en France et 97% d’entre eux prennent au moins un médicament. Or, pour la moitié de ces enfants, les traitements seraient inutiles. 

RGO : 1 enfant sur 2 est traité pour rien Rex Features/REX/SIPA




« Mon bébé régurgite après tous les repas, il pleure tout le temps, et se tortille… ça pourrait être un RGO ? ». « Ma fille de 6 mois a un RGO, elle est sous Gaviscon et Inexium depuis plus d’un mois, mais sans aucune amélioration ». « Au secours, je pense que ma fille de 9 mois a un RGO, mais mon médecin ne veut rien lui prescrire. » Les témoignages de parents de « bébés RGO » comme ils s'appellent eux-mêmes, ne cessent de se multiplier sur les forums internet ces dernières années. Certes 10% des enfants de moins de 18 ans - soit 1,4 million - seraient effectivement atteints d’un Reflux Gastro-oesophagien (RGO) d’après une étude française publiée fin 2012 dans l’ European Journal of Pediatrics (1). Pourtant, de nombreux spécialistes expliquent que pour la moitié d’entre eux, il ne s’agit pas d’une maladie. Les recommandations de la Société américaine de pédiatrie qui viennent d’être publiées le confirment aussi, trop de RGO physiologiques sont traités à tort avec des médicaments. Seuls les enfants souffrant d’un véritable RGO pathologique devraient se voir prescrire un traitement médicamenteux. Des recommandations identiques sont déjà en vigueur en Europe depuis 2009. 

 

Ecoutez le Pr Frédéric Gottrand, pédiatre au CHRU de Lille : « Chez le nourrisson, une cassure dans la courbe de poids est un signe. C’est très dur d’identifier les bébés RGO avec des symptômes comme les troubles du sommeil, les pleurs, ou l’agitation qui peuvent être dus au RGO ou à autre chose. »


 

La France n’échappe pas à ce problème de surtraitement du RGO. En pratique, 97% des enfants diagnostiqués prennent au moins un médicament. Même chez les nourrissons de moins de 1 an, une étude française présentée aux dernières Journées francophones d’hépato-gastroentérologies, révèle que chez eux, 80% des prescriptions médicamenteuses ne sont pas justifiées. Motilium, Gaviscon, Inexium, Debridat ou encore Mopral, quasiment tous les parents d’un « enfant RGO » ont déjà essayé l’un de ces médicaments, à tort ou à raison, avec succès ou pas.  

 

Ecoutez le Pr Frédéric Gottrand: « Chez les bébés, Motilium et Gaviscon arrivent en tête, un tiers ont aussi un IPP. Chez les ados, 90% ont un IPP et 1/3 prennent du Gaviscon et du Motilium.»  


 

Tous ces médicaments n’ont bien sûr pas le même mécanisme d’action, ni la même balance bénéfice/risque. Le Motilium, par exemple, ce prokinétique stimulant la motricité gastro-intestinale, est en tête des prescriptions pour les « bébés RGO ». Pourtant, il n’a même pas d’autorisation de mise sur le marché dans l’indication de cette pathologie. « Pour le Motilium, on a très peu de preuves de son efficacité dans le RGO. Il y a eu quatre études chez les moins de 2 ans. Deux montrent une efficacité, et deux n’en montrent pas, » précise le Pr Frédéric Gottrand. Quant à l’utilisation chez les enfants, des inhibiteurs de la pompe à proton (IPP), qui stoppent les sécrétions acides de l’estomac, elle s’est elle aussi largement répandue en France. « Les IPP sont très efficaces lorsqu’ils sont utilisés sur un RGO pathologique. La tolérance à court terme chez l’enfant est bonne. Du coup, certains médecins ont tendance à se dire que même si ça ne sert à rien, au moins ça ne fait pas de tort, » ajoute t-il.

 

Ecoutez le Pr Frédéric Gottrand: « Le traitement par IPP, c’est 6 semaines à 2 mois, mais on voit des enfants qui en prennent plus d'1 an. Or, on a peu d’études sur les effets à long terme et plein de questions, sur des infections microbiennes, sur l’absorption du calcium…  »


 

Même si les médecins ont tendance à traiter trop systématiquement tous les RGO, les parents ont aussi une part de responsabilité. Les spécialistes racontent qu’en consultation, les parents veulent toujours une solution pour que leur bébé soit soulagé très vite. Ils veulent une réponse rapide et, le plus souvent, ils ressortent avec une ordonnance. Pourtant les spécialistes sont quasiment unanimes : un accompagnement parental, quelques conseils hygiéno-diététiques et de puériculture suffisent généralement pour obtenir une amélioration face à un RGO physiologique. D’ailleurs, le meilleur remède reste le plus souvent de s’armer de patience jusqu’au premier pas de l’enfant. Au moment de la marche, les médecins estiment que 85% des reflux disparaissent spontanément.

 

Ecoutez le Pr Frédéric Gottrand: « Il faut parfois corriger certaines erreurs alimentaires. Ce sont souvent des bébés voraces, et plus ils mangent et vite, et plus ils régurgitent. Pas de couches trop serrées, les mettre en position verticale ¾ h après le repas… »


 

Les spécialistes qui dénoncent le surtraitement du RGO depuis plusieurs années, reconnaissent que cela ne représente pas forcément un péril de santé publique. En revanche, ce qui est certain, c’est que ces traitements prescrits à tort, coûtent malgré tout assez cher à l’Assurance maladie. Ne serait-ce que pour l'Inexium 10mg, le seul IPP existant sous forme pédiatrique, un médicament qui n’est pas encore génériqué : 299 914  boites ont été vendues en 2012, soit 4 035 481€  remboursés par l’Assurance Maladie. 

 

(1) Prevalence and management of gastroesophageal reflux disease in children and adolescents: a nationwide cross-sectional observational study

http://link.springer.com/article/10.1007/s00431-012-1807-4

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