Quelle que soit la raison qui amène un patient au service des urgences d’un hôpital ou d’une clinique, son passage ne sera pas sans conséquences sur son bien-être mental. Selon une étude publiée en 2012, plus de 10 millions de personnes fréquentes les urgences en France chaque année. 18 millions de visites annuelles sont comptabilisées si l’on prend en compte les passages multiples.
Syndrome post-commotionnel et trouble de stress post-traumatique
Parmi tous ces patients se rendant aux urgences, certains en garderont des séquelles. Il faut dire que fréquenter les services des urgences peut s’avérer stressant, voire traumatisant. Salle bondée, lumière crue, temps d’attente parfois très long, prise en charge expéditive du fait du manque de personnel… Toutes ces causes conduiraient 10 à 20% des patients à souffrir pendant plusieurs mois de symptômes persistants (maux de tête, difficultés de concentration, troubles sensoriels, irritabilité) regroupés sous le terme de syndrome post-commotionnel. 5% des patients souffriront quant à eux de trouble du stress post-traumatique (TSPT), qui se traduit par des symptômes décrits classiquement chez des personnes ayant vécu une situation durant laquelle leur intégrité physique ou psychologique ou celle de leur entourage a été menacée ou atteinte.
Comment rendre ces passages aux urgences moins stressants et traumatisants pour les patients ? Des chercheurs de l'Inserm du centre de recherche "Bordeaux Population Health" du CHU de Bordeaux et du centre hospitalier de Cadillac ont peut-être trouvé la réponse.
Dans une étude, ils ont cherché à faire baisser les niveaux de stress des patients fréquentant les services des urgences, avec comme objectif ultime de prévenir la survenue de symptômes invalidants. Ils se sont aperçus qu’une séance précoce d’EMDR réalisée dans les 6 heures suivant l’évènement ayant conduit aux urgences pouvait diminuer jusqu’à 75% les syndromes post-commotionnels et les troubles de stress post-traumatique.
L’EMDR : une approche thérapeutique qui a fait ses preuves
L’EMDR (pour "eye movement desensitization and reprocessing", en français "désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires") est une technique psychothérapeutique qui utilise les mouvements oculaires pour effacer des traumatismes psychiques. Elle cherche à retraiter le souvenir traumatique du passé en mobilisant des ressources du présent pour surmonter le caractère traumatisant de l’événement. Il faut donc mobiliser des circuits neuronaux fonctionnels non perturbés par la surcharge émotionnelle ou le trouble. Essentiellement utilisée dans les syndromes post-traumatiques, l'EMDR s’avère très efficace suite à un passage aux urgences.
Lors d’une séance d’EMDR aux urgences, on demande ainsi au patient de porter attention aux éléments qui le place dans un état de stress, et à son ressenti physique, émotionnel et sensoriel. Ce faisant, le thérapeute effectue des séries de stimulations bilatérales alternées, consistant en des mouvements oculaires (balayage horizontal ou vertical) ou, lorsque l’état clinique du patient ne le permet pas, des tapotements alternés des genoux ou des épaules.
Une intervention possible et efficace dans le contexte des urgences
Au total, 130 patients ont accepté de participer à l’étude des chercheurs de l'Inserm. Ils ont par la suite été répartis au hasard en trois groupes : le premier bénéficiait d’une séance d’EMDR de 60 minutes, le deuxième d’un entretien de 15 minutes avec un psychologue tandis que le troisième ne recevait pas de prise en charge psychologique.
Les patients étaient ensuite contactés par téléphone trois mois plus tard, afin d’identifier ceux qui avaient développé un syndrome post-commotionnel, ou un trouble de stress post-traumatique.
Chez les patients ayant reçu une séance d’EMDR de 60 minutes, seuls 15% souffraient de syndrome post-commotionnel trois mois plus tard. Ils étaient 47% chez ceux ayant bénéficié d’un entretien avec un psychologue et 65% chez ceux n’ayant reçu aucune prise en charge psychologique. La proportion de patients présentant un trouble de stress post-traumatique était quant à elle respectivement de 3%, 16% et 19%.
"Une intervention EMDR brève et ultra-précoce est, d’une part réalisable dans le contexte des urgences et d’autre part potentiellement efficace", estime Emmanuel Lagarde, directeur de recherche Inserm. Ces résultats restent toutefois à confirmer par une nouvelle étude de plus grande ampleur. Celle-ci a été initiée en janvier 2018 par la même équipe aux CHU de Lyon et de Bordeaux, auprès de plus de 400 patients. Ses résultats seront connus avant la fin de l’année 2018.