Encore aujourd’hui, les infections nosocomiales restent l’une des préoccupations majeures du corps médical. Selon l’enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales et des traitements anti-infectieux en établissement de santé (ENP) réalisée en 2017, un patient hospitalisé sur vingt est touché par au moins une infection nosocomiale lors de son séjour en établissement de santé, qu’il soit public ou privé. "On estime que 4 200 décès sont liés à des infections nosocomiales chaque année", a déclaré à l’AFP le docteur Bruno Coignard, responsable de la direction des maladies infectieuses de l'agence sanitaire Santé publique France.
Qu’est-ce qu’une infection nosocomiale ?
Majoritairement constatées dans les services de réanimation (un patient infecté sur quatre), où sont soignés les patients les plus vulnérables et exposés à des dispositifs invasifs (cathéter, assistance respiratoire, sonde urinaire), les pathologies nosocomiales désignent les infections contractées au sein d’un établissement de santé (hôpital, clinique, cabinet libéral), à la suite d’un soin. Les micro-organismes les plus fréquemment impliqués sont les bactéries E.coli (25 %), le Staphylocoque doré (19 %) et le bacille pyocyanique (10 %).
Il existe deux types d’infections nosocomiales : les infections à caractère endogène, c’est-à-dire qui ont pour origine une contamination par les propres germes du patient (par exemple lors d’une intervention) et les infections à caractère exogène, c’est-à-dire extérieur au patient, les germes provenant des autres patients, du personnel ou de l’environnement extérieur (instruments…).
Une jurisprudence plus favorable aux victimes
Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, c’étaient aux victimes d’établir la preuve d’une faute de l’établissement ou du professionnel de santé. Or, celle-ci étant compliquée à rapporter, il était très difficile pour elles d’engager des poursuites judiciaires.
Aujourd’hui, les jurisprudences judiciaires et administratives facilitent l’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales puisque l’exigence d’une faute pour engager la responsabilité des établissements de santé a été abandonnée. "Il y a une responsabilité de plein droit fixée par la loi", nous explique Me Vincent Julé-Parade, dont le cabinet est dédié à l’aide aux victimes de dommages corporels.
Autrement dit, dès lors que la preuve d’une infection nosocomiale est rapportée, la responsabilité de l’établissement de santé est engagée et ce dernier ne peut pas s’en exonérer même s’il prouve qu’il n’a pas commis de faute. Sauf, précise Me Julé-Parade, "en cas de force majeure, c’est-à-dire due à une cause étrangère, qui est extérieure, imprévisible et irrésistible. Dans les faits, cela est difficile à rapporter. En cas de cause extérieure par exemple, il lui faudra prouver que toute personne étant porteuse de germes, le patient s’est auto-contaminé". Le débat peut aussi porter sur la date de contamination. "Si l’infection se déclenche dans les 48 heures qui suivent le début de l’hospitalisation, on va considérer que la contamination a bien eu lieu sur le site hospitalier."
Quelle procédure suivre ?
Afin d’espérer une indemnisation, il convient de suivre une procédure stricte. "La première chose à faire est de demander une copie de son dossier médical intégral", nous explique Me Julé-Parade. "Cela comprend les comptes-rendus d’hospitalisation, opératoires, d’examens, ainsi que l’ensemble des fiches de suivi. C’est très important car c’est par rapport aux prélèvements biologiques, ou encore par rapport à la courbe de température que l’on va pouvoir fixer une date de contamination."
La deuxième étape consiste à se rapprocher d’une association ou d’un avocat qui pourra aider le patient à s’orienter dans ses démarches. "Il faut ensuite tenter d’obtenir réparation : cela va passer par une expertise. Un expert va devoir se prononcer sur la date et l’origine de l’infection nosocomiale, ainsi que sur ses conséquences. À partir de tous ces éléments, va s’imposer au centre de soins une obligation indemnitaire ou non."
À noter qu’en cas de dommage grave résultant de l’infection nosocomiale et entraînant une Atteinte Permanente à l’Intégrité Physique et Psychique (AIPP) supérieure à 25%, c’est l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) qui indemnise la victime au titre de la solidarité nationale. "Cela veut donc dire que la responsabilité des établissements est engagée pour les cas d’infections contractées lors de séjours en leur sein pour des cas de moyenne importance".
Comment obtenir réparation ?
En France, nous explique Me Julé-Parade, prévaut le principe de la réparation intégrale : cela signifie que le responsable du préjudice doit indemniser tout le dommage et uniquement le dommage, sans qu’il en résulte ni appauvrissement, ni enrichissement de la victime. Or, insiste le spécialiste, "les gens ne pensent pas toujours à garder tous les justificatifs des frais de santé divers qu’ils ont engagés suite à l’infection : des soins extérieurs à l’hôpital qui n’ont pas été pris totalement en charge, mais aussi les frais de déplacement, les arrêts de travail… D’où l’importance de conserver tous ces justificatifs."
Dans l’hypothèse où l’établissement de soins ne contesterait pas sa responsabilité, il convient aussi d’être "particulièrement vigilant sur les termes de l’expertise quant aux conclusions, ainsi qu’au montant proposé par l’assureur, l’hôpital ou l’ONIAM est bien conforme à ce que la jurisprudence alloue", conseille l’avocat.