Les premiers résultats dévoilés par Santé Publique France sont plus qu’alarmants. Selon le journal Le Monde, la quasi-totalité des Guadeloupéens (95%) et des Martiniquais (92%) sont contaminés au chlordécone, un pesticide ultra-toxique, utilisé massivement de 1972 à 1993 dans les bananeraies antillaises.
Troubles neurologiques
Le chlordécone peut être à l’origine de sèvères troubles neurologiques - troubles de la motricité, de l’humeur, de l’élocution et de la mémoire immédiate, mouvements anarchiques des globes oculaires - et de troubles testiculaires.
Ce pesticide a des aussi effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des nourrissons, et augmente le risque de prématurité, comme l'ont prouvé des chercheurs de l'Inserm en 2014. Pour évaluer l’impact de l’exposition au chlordécone sur le déroulement de la grossesse, une équipe franco-belge a mis en place, en Guadeloupe, une grande cohorte mère-enfant baptisée TIMOUN (enfant en créole). Plus de 1000 femmes ont été incluses au cours de leur troisième trimestre de grossesse entre 2005 et 2007, principalement au CHU de Pointe à Pitre/Abymes et au centre hospitalier de Basse Terre. L’exposition au chlordécone a été estimée par son dosage dans le sang maternel prélevé lors de l’accouchement.
La conclusion de l'Inserm est sans appel : "l'exposition maternelle au chlordécone a été retrouvée associée de manière significative à une durée raccourcie de grossesse ainsi qu’à un risque augmenté de prématurité, quel que soit le mode d’entrée au travail d’accouchement, spontané ou induit." L'Institut rajoute que "ces associations pourraient être expliquées par les propriétés hormonales, oestrogéniques et progestagéniques du chlordécone."
Classé "comme cancérogène possible" dès 1979
Dans une autre étude menée au Centre hospitalier de Pointe-à-Pitre, le Dr Pascal Blanchet, urologue, établissait "un lien formel" entre le chlordécone et le cancer de la prostate, cancer qui frappe la Martinique et la Guadeloupe plus que n’importe quelle région française. Les personnes ayant travaillé dans l'environnement des champs de bananes sont les plus touchées.
Le chlordécone est classé "comme cancérogène possible" dès 1979 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est quand même autorisé aux Antilles jusqu’en septembre 1993 par François Mitterrand et les ministres de l’agriculture Louis Mermaz et Jean-Pierre Soisson.
Les sols sont contaminés pour des siècles
Dans les années 70, le chlordécone commence à être utilisé pour tuer le charançon du bananier, un insecte qui détruisait les cultures. Résultats : les sols sont contaminés pour des siècles, tout comme les rivières, le littoral marin, le bétail, les volailles, les poissons, les crustacés et les légumes.
Les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique sont un pilier de l’économie antillaise. 270 000 tonnes de bananes sont produites chaque année, dont 70% partent pour la métropole. Alors que l’impact de l’utilisation massive du chlordécone n’en est qu’à ses débuts, force est de constater que l’intérêt économique a clairement primé sur la santé des Antillais.