Pour comprendre la petite révolution qui est en cours dans le traitement des pathologies associées à la consommation de cannabis, il faut d’abord revenir sur les mécanismes neurologiques provoqués par cette plante.
Lorsque l’on consomme du cannabis, la substance responsable du développement des pathologies liées au cannabis – addiction, psychose, toxicité – est le THC. La plupart des altérations mentales causées par le cannabis sont provoquées par la capacité du THC à activer d’une façon non modulable les récepteurs CB1. Très répandus dans différentes parties du cerveau, ces derniers sont particulièrement abondants au niveau du cortex cérébral et de l’hippocampe, ce qui explique pourquoi les fumeurs de cannabis peuvent ressentir une diminution dans leurs capacités à apprendre et mémoriser.
D’une hyper-activité à une hypo-activité
Jusqu’ici, les traitements des pathologies associées au cannabis se focalisaient sur le récepteur CB1, de manière à réguler son hyperactivité développée au contact du THC. "Le problème de cette approche est que l’on passe d’une hyper-activité à une hypo-activité, elle aussi pathologique", explique ce jeudi Pier Vincenzo Piazza, psychiatre, neurobiologiste et directeur de recherche à l’Inserm, au Congrès international d’addictologie l’Albatros. "Les effets secondaires sont donc conséquents".
De fait, le patient, traité de cette manière, voit entre autres, les risques de dépression et d’anxiété considérablement augmenter, son appétit diminuer et sa sécrétion de glucocorticoïdes se développer de façon anormale.
La molécule AEF0117, une petite révolution
Pour résoudre ce problème, Pier Vincenzo Piazza et son équipe ont mis au point la molécule AEF0117, qui, aux termes de leur recherche, pourrait ouvrir la voie à une toute nouvelle classe de médicaments. "Au lieu de bloquer toutes les voies de signalisation du récepteur CB1, la molécule AEF0117 n’en bloque qu’une, à savoir celle responsable des pathologies associées à la consommation de cannabis", résume Pier Vincenzo Piazza.
Résultat : grâce à l’ingestion de la molécule AEF0117, les pathologies liées à la consommation du cannabis peuvent être traitées sans effets secondaires. Les scientifiques ont testé jusqu’à 1500 fois la dose active sur les animaux, sans constater aucune modification de leur comportement, ni aucun effet toxique (jusqu’à 7200 fois la dose efficace chez les chiens). Idem chez l’homme, sur qui l’équipe a testé jusqu’à trente fois la dose efficace.
Nouvelles perspectives dans l’ensemble des traitements psychiatriques
Dans les pays développés, l’addiction au cannabis concerne 12 millions d’individus. 50% des entrées aux urgences en Europe pour psychose sont dues au cannabis. "Au-delà du traitement de la consommation de cannabis, la molécule AEF0117 ouvre de nouvelles perspectives concernant l’ensemble des traitements des maladies psychiatriques", conclut Pier Vincenzo Piazza, ravi. Sa recherche, toujours en cours, vient d’entrer dans la phase II.