Les prions sont de drôles d’oiseaux. Contrairement aux autres agents infectieux, bactéries ou virus, ce sont de simples protéines, dénuées de matériel génétique. Elles trouvent pourtant le moyen de se propager et de provoquer des maladies neurodégénératives incurables comme la maladie de Creutzfeldt-Jakob, encore très mal comprise par les scientifiques.
Un pas important vient d’être franchi dans la recherche sur le sujet. Pour la première fois, un prion humain a été synthétisé en laboratoire, grâce aux travaux d’une équipe de l’université Case Western Reserve (Ohio), publiés récemment dans Nature Communications. Les prions ainsi produits se sont avérés pathogènes chez la souris, de sorte que la communauté dispose désormais d’un modèle effectif pour essayer de dévoiler les mystères du prion.
Une avancée importante
"C’est un tournant décisif", se félicite le Pr Jiri Safar, neuropathologiste à CWR et auteur sénior de l’étude, dans un communiqué de l’université. "Jusqu’à présent, notre compréhension des prions dans le cerveau était très limitée. Générer des prions humains synthétiques dans un tube à essai va nous permettre d’accéder à une bien meilleure compréhension de la structure des prions et de leur réplication."
Pour parvenir à leurs fins, les chercheurs ont modifié une bactérie E. coli (la star des paillasses) afin d’y intégrer le gène codant pour le prion humain. Mais pour que le prion possède un réel pouvoir pathogène, il a aussi fallu ajouter un autre gène, codant pour un cofacteur (Ganglioside GM1) dont le rôle semble essentiel. Une cible potentielle pour de futurs traitements capables d’inhiber la réplication des prions.
Une centaine de cas par an
La nature mystérieuse des prions tient en bonne part à leur mode de réplication. La protéine prion est présente dans le cerveau de tous les mammifères, sous une forme non nocive (PrPC, pour "cellular prion protein"). Sous sa forme pathogène, la protéine prion se propage de proche en proche et finit par s’accumuler, formant des plaques toxiques à la surface des neurones. S’ensuit une dégénérescence lente mais incurable, finalement létale.
Le rôle des prions dans la maladie de Creutzfeldt-Jakob est établi, bien que le mécanisme causal soit encore mal compris. Rare, la maladie continue d’apparaître de façon sporadique, sans qu’on sache bien comment, avec une centaine de cas par an dénombrés en France. Certains chercheurs pensent même qu’Alzheimer et Parkinson sont des maladies à prions, du fait d’une transmission éventuelle via des instruments chirurgicaux souillés. Autant dire que les chercheurs ont du pain sur la planche.