Depuis 1989 au Venezuela, on pensait le virus de la poliomyélite éradiqué. Selon l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), il a pourtant refait son apparition dans le pays. Samedi 9 juin, l’OPS a en effet rapporté le cas d’un enfant ayant contracté le virus. Celui-ci réside ans l’État de Delta Amacuro, une région particulièrement pauvre au nord-est du Venezuela où la couverture vaccinale n’a atteint que 67% de la population, rapporte The Telegraph. Le jeune garçon n’aurait lui non plus, pas été vacciné, rapportent les autorités sanitaires.
Une maladie infantile grave
Quasiment éradiquée aujourd’hui dans le monde, la poliomyélite continue pourtant de faire peur. Et pour cause : cette maladie, causée par une lésion de l’axe gris de la moelle épinière touche principalement les enfants de moins de 5 ans. Envahissant le système nerveux, elle entraîne une paralysie dans un cas sur 200, et provoque la mort par arrêt des fonctions respiratoires chez 5 à 10 % des personnes paralysées. Les symptômes initiaux sont de la fièvre, de la fatigue, des céphalées, des vomissements, une raideur de la nuque et des douleurs dans les membres. Dans un petit nombre de cas, la poliomyélite entraîne une paralysie, souvent définitive. S’il est possible aujourd’hui de se faire vacciner contre la poliomyélite, une fois déclarée la maladie est incurable, et son évolution ne prend que quelques heures.
Selon le médecin et ancien de la Santé vénézuélien Jose Felix Oletta, "ce virus touche notamment des personnes souffrant de malnutrition et qui n’ont pas été vaccinées".
Aujourd’hui dans l’opposition au président au président Nicolas Maduro, Jose Felix Oletta reproche notamment aux autorités d’avoir attendu plus d’un mois avant de notifier l’OPS de ce nouveau cas de polio alors que les règlements internationaux stipulent que tout cas détecté doit être signalé dans un délai de 24 heures.
Une crise sanitaire sans précédent
Depuis plus d’un an, le Venezuela est en proie à une profonde crise sociale, économique et politique. L’opposition dénonce régulièrement le renforcement des pouvoirs du président socialiste Nicola Maduro, dont ils réclament la démission. Accusé d'avoir voulu s'arroger les pleins pouvoirs en octroyant à la Cour suprême les prérogatives du Parlement, le chef d'État est aussi soupçonné d’avoir fait falsifier les résultats des élections présidentielles, dont il est sorti vainqueur le 20 mai dernier avec 67,7% des voix. Il a été réélu pour six ans.
Dévasté par cette crise politique, le Venezuela peine à enrayer la flambée des maladies infectieuses qui touche actuellement le pays. Selon un rapport de l’OPS publié samedi 9 juin, le Venezuela a enregistré 1 427 cas de rougeole l’an dernier sur les 1 685 relevés dans l’ensemble des pays d’Amérique latine et des Caraïbes.
En cause, selon l’opposition : la suspension depuis 2016 des campagnes vaccinales, et dont les premières victimes sont les plus précaires. "Le gouvernement n’approuve pas l’argent pour les vaccins", regrette ainsi la députée de l’opposition Manuela Bolivar, chargée à l’Assemblée d’étudier l’évolution des maladies infectieuses dans le pays. "Cette situation est regrettable mais nous l'avons vu venir, car nous dénonçons depuis des années la pénurie de vaccins", poursuit-elle.
Le 6 avril dernier, le gouvernement a relancé une campagne de vaccination contre 14 maladies infectieuses, parmi lesquelles la tuberculose et la rougeole. Insuffisante, selon les détracteurs du président Maduro, qui estiment qu’il n’y a pas assez de vaccins pour couvrir la demande. Selon l’ONG locale CodeVida, 90% des médicaments et vaccins seraient actuellement indisponibles dans le pays. "Des milliers de personnes au Venezuela souffrent de la faim, n'ont pas accès aux médicaments essentiels et essaient de survivre dans une spirale qui semble sans fin", alertaient en février dernier les Nations Unies.
De son côté, le président Maduro nie toujours l’existence d’une crise sanitaire dans le pays mais impute la pénurie de vaccins et de médicaments à la "guerre économique" que mènent les milieux d’affaires et les États-Unis pour renverser son gouvernement.