Pour les Chinois, le bilan de la grippe H7N9 est déjà lourd, avec 127 cas d’infection recensés et 27 décès. Détectés chez les oiseaux domestiques, ce sont à ce jour plusieurs foyers d’influenza aviaire A qui ont déjà été répertoriés sur des marchés de provinces chinoises.
Les volailles examinées ne montrent pas de signes cliniques. Mais elles transmettent le virus à l'homme et les personnes infectées succombent fréquemment.
Jusqu’à ce jour, aucune contamination interhumaine n’a cependant été mise en évidence. Pourtant, aux vus des élements sur place, toutes les conditions sont réunies pour que ce virus mute vers ce type de transmission.
C'est ce que nous explique, Nicolas Gaidet, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), spécialiste des oiseaux sauvages porteurs des divers virus influenza.
Les conditions d'une transmission interhumaine
« Les facteurs favorables pour que ce virus mute vers une forme transmissible d'homme à homme semblent réunies en Chine », indique Nicolas Gaidet. Parmi eux, le chercheur du Cirad évoque notamment la grande abandonce de volailles élevées dans des conditions de très grande densité. Des situations qui favorisent les contacts entre les oiseaux et donc une propagation plus rapide du virus. Autre élément qui accroît les risques de cette mutation, la proximité de contact entre la volaille et l'homme, notamment sur les marchés. Deux conditions réunies en Chine et qui favorisent l'émergence d'un nouveau type de virus susceptible d'acquérir certaines capacités qui rendront la transmission interhumaine possible.
Ecoutez Nicolas Gaidet, chercheur au Cirad
Autre condition très favorable à la mutation d'un virus transmissible d'homme à homme, la proximité des élevages de volailles et de porcs, un phénomène très fréquent en Chine. Or, les cochons sont des espèces considérées comme des hôtes intermédiaires puisqu'ils possèdent des récepteurs qui leur permettent d'être infectés aussi bien par des virus touchant les oiseaux que par ceux qui infectent l'homme. Et par un système de recombinaison, un porc co-infecté par ces deux virus peut générer un nouveau type de virus qui deviendrait contagieux pour l'homme.
Ecoutez Nicolas Gaidet, chercheur au Cirad
La France, pas totalement à l'abri
Et le virus pourrait-il atteindre d'autres pays, comme la France? Même si l'idée est écartée par certains spécialistes, Nicolas Gaidet n'exclut pas cette arrivée dans l'Hexagone. Pour lui, le scénario est envisageable avec les oiseaux migrateurs. Bien que jusqu'à présent ils n'ont pas été touchés par le virus, ces espèces sont connues comme étant des réservoirs de virus de souche influenza . Leur migration prochaine est annoncée en direction de la Corée puis de la Sibérie mais ces oiseaux sauvages vont également migrer à un moment vers nos terres. « Le virus est asymptomatique chez les oiseaux domestiques, il peut donc toucher des oiseaux sauvages sans provoquer de signes cliniques. Ces futurs oiseaux contaminés pourraient par la suite disperser le virus », souligne Nicolas Gaidet.
Ecoutez Nicolas Gaidet, chercheur au Cirad
Enfin, le risque de dispersion est également lié aux nombreux échanges commerciaux avec la Chine, des activités qui favorisent souvent la propagation des virus. Un risque bien présent car le commerce avec la Chine est devenu mondial.
Ecoutez Nicolas Gaidet, chercheur au Cirad
Les compétences du Cirad
Lors de la crise précédente du virus A (H5N1), le Cirad avait développé en Asie du Sud-est des études épidémiologiques et écologiques sur les grippes animales. Les travaux se sont poursuivis sur les systèmes de surveillance, et les méthodes de modélisation incluant l’analyse de risque, chez les oiseaux domestiques ou sauvages comme chez les mammifères.
Une connaissance des grippes animales et des compétences reconnues qui ont conduit les agences internationales et les services gouvernementaux à faire appel au Cirad. Ainsi, toutes les études actuellement menées sur le H7N9 par le Centre ont pour objectif d’identifier le plus rapidement possible la source première et les déterminants de cette maladie pour pouvoir agir efficacement contre son extension potentielle. Des recommandations et un plan de gestion des risques devraient être mis en ligne cette semaine sur le site de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).