C’est une maladie aussi rare qu’impressionnante et handicapante : le syndrome de Cloves, acronyme anglais signifiant "excroissance congénitale lipomateuse, malformations vasculaires et naevi épidermiques". Cette affection, proche de celle dont souffrait Elephant Man, déforme les organes et les parties du corps.
Jusqu’ici incurable, le syndrome de Cloves toucherait 50 personnes dans le monde et se développerait selon des formes plus ou moins graves selon les patients. Tous ont désormais un espoir de guérison. Dans un article paru le 13 juin dans la revue scientifique Nature, des chercheurs français affirment en effet avoir développé un traitement : un comprimé par jour contenant une molécule simple serait en effet efficace contre la maladie et ses symptômes.
La mutation du gène PIK3CA à l’origine de la maladie
Parmi les symptômes affectant les personnes atteintes par le syndrome de Cloves, des excroissances de tissus graisseux, des manifestations touchant le squelette comme un élargissement majeur des os, des déformations d’organes tel que le cerveau ou les reins, des malformations vasculaires ou encore une scoliose.
Dénommé "patient 1" de l’étude menée par les chercheurs de l’Inserm, Emmanuel (en photo), ingénieur aéronautique de 29 ans, souffrait lui d’une hypertrophie de la jambe gauche, d’une scoliose et de malformations des vaisseaux qui, en abîmant sa moelle épinière, l’avaient laissé paraplégique.
Il est le premier patient à avoir bénéficié du traitement expérimental, qui lui-même découle d’une découverte toute récente faite par des généticiens américains. Ce n’est en effet qu’en 2012 que ces derniers ont découvert le gène PIK3CA, dont la mutation est responsable du syndrome de Cloves. Le gène PIK3CA régule la prolifération et la croissance des cellules. Lorsqu’il est trop activé, il cause la croissance excessive des parties du corps touchées par la mutation.
Chercheur à l’Inserm et à l’Université Paris-Descartes, Guillaume Canaud s’est alors lancé en quête d’un traitement. "Je me disais qu’il y avait peut-être un médicament qui bloque les effets de la mutation de PIK3CA", explique le néphrologue, qui a testé plusieurs molécules.
Un simple comprimé à prendre chaque jour
Parmi les "inhibiteurs spécifiques " du gène testé, le BYL719 du laboratoire suisse Novartis, est particulièrement prometteur. En 2015, l’agence française du médicament (ANSM) autorise exceptionnellement que le médicament soit utilisé pour traiter Emmanuel à l’hôpital Necker".
"Très vite, on a vu que ça fonctionnait", explique le Dr Canaud. Emmanuel "nous a dit ce que tous les autres patients nous ont dit : qu’il ressentait beaucoup moins de douleurs, qu’il se passait quelque chose". Les photos prises par le médecin l’attestent : les masses vasculaires et les excroissances ont nettement diminué après la prise du traitement.
Aujourd’hui, 19 patients, dont la plus jeune est âgée de 4 ans, prennent quotidiennement le traitement : un simple comprimé (de 250 mg par jour pour un adulte) à prendre le matin et qui, pour le moment, ne présente pas d’effet secondaire notable.
Pour le Dr Canaud, "ce traitement va radicalement changer le devenir des patients porteurs de syndromes d’hypercroissance associés à une mutation de PIK3CA. Le médicament a permis d’obtenir des résultats dépassant nos espérances avec des régressions de malformations, pourtant présentes depuis de nombreuses années, mais aussi une amélioration de la qualité de vie des patients et de leur entourage. Le BYL719 représente ainsi un formidable espoir thérapeutique même pour des formes très sévères."
Selon le médecin, on estime à un millier de patients les personnes atteintes du syndrome de Cloves en France, mais elles sont "sûrement plus que ça en réalité, car il y a un sous-diagnostic". L’hôpital Necker s’attend d’ailleurs à un afflux de patients réclamant le même traitement. Un formulaire sera bientôt disponible en ligne pour les patients qui souhaiteraient rejoindre le protocole expérimental.