Goût menthe, fraise, bubble gum ou, plus originaux, corne de gazelle, spritz ou barbe à papa. Près de dix ans après la commercialisation des premières cigarettes électroniques, les arômes, largement plébiscités par les fumeurs de e-cigarette, se déclinent aujourd’hui par milliers pour coller au mieux aux attentes des consommateurs, toujours avides de nouvelles découvertes.
Pourtant, ces additifs ne sont pas sans danger pour la santé. Déjà incriminés par plusieurs études scientifiques, qui en dénonçaient la nocivité et les soupçonnaient, entre autres, de provoquer des maladies respiratoires, les voici désormais dans le giron de l’American Heart Association.
Dans sa revue Arteriosclerosis, Thrombosis and Vascular Biology, l’organisation américaine vient de publier des travaux de la Boston University School of Medicine de l'Université du Massachusetts. Ces derniers mettent en lumière la toxicité des arômes de e-cigarette pour les vaisseaux sanguins.
9 arômes mis en cause
Neuf arômes de synthèse sont particulièrement visés par l’étude : menthol (menthe), acétylpyridine (arôme brûlé), vanilline (vanille), cinnamaldéhyde (cannelle), eugénol (clou de girofle), diacétyle (beurre), diméthylpyrazine (fraise), l'acétate d'isoamyle (banane) et l'eucalyptol (refroidissement épicé). Largement utilisés dans les cigarettes électroniques, mais aussi les narguilés, les petits cigares et les cigarillos ont été testés par les scientifiques pour leurs effets à court terme sur les cellules endothéliales, les cellules qui tapissent les vaisseaux sanguins et l’intérieur du cœur, et régulent leur fonction.
Testés auprès d’un groupe de 21 volontaires, parmi lesquels des fumeurs de sansenthol et de menthol, certains arômes (menthol, clou de girofle, vanilline et cannelle) ont ainsi entraîné des niveaux plus élevés d’un marqueur inflammatoire appelé interleukine-6 (IL-6) et des niveaux plus faibles d’oxyde nitrique, une molécule qui inhibe l'inflammation et la coagulation, et qui régule la capacité des vaisseaux à s'élargir en réponse à une plus grande circulation sanguine. Cela suggère, d’après les chercheurs, que les cellules endothéliales sont particulièrement sensibles à ces arômes.
Des "prédicateurs précoces des maladies cardiaques"
Les auteurs de l’étude sont formels : les résultats mis en lumière "suggèrent que ces additifs aromatiques peuvent avoir de graves conséquences sur la santé", explique Jessica L. Fetterman, professeure adjointe de médecine à la Boston University School of Medicine de l'Université du Massachusetts. "L'augmentation de l'inflammation et la perte d'oxyde nitrique sont parmi les premiers changements qui mènent aux maladies cardiovasculaires et à des événements comme les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux (AVC), de sorte qu'ils sont considérés comme des prédicteurs précoces des maladies cardiaques".
Les résultats sont d’autant plus inquiétants que, lorsqu’ils ont été testés à des niveaux de concentration plus ou moins élevés, les neuf produits chimiques ont causé la mort cellulaire, en particulier la cannelle, le clou de girofle, la fraise, la banane et la saveur rafraîchissante épicée.
Trois arômes ont été testés lorsqu'ils sont chauffés, pour imiter ce qui se passe dans les e-cigarettes. La production d'oxyde nitrique a été altérée avec la vanilline et l'eugénol, mais pas avec le menthol. "Nos travaux et nos recherches antérieures ont fourni des preuves que les arômes induisent une toxicité dans les systèmes pulmonaire et cardiovasculaire. Les arômes sont également un moteur de l'usage du tabac chez les jeunes et de l'usage durable du tabac chez les fumeurs", poursuit le Dr Fetterman.
Les effets à long terme des arômes sur la santé encore méconnus
Particulièrement éclairante, cette nouvelle étude a pour avantage d’avoir testé les seuls arômes de la cigarette électronique à des niveaux susceptibles d’être atteins dans le corps. Mais, comme le reconnaissent les chercheurs eux-mêmes, leurs travaux vont demander d’être davantage approfondis, et comportent des limitent. D’abord parce que lors de leurs essais, tous les arômes n’ont pu être chauffés pour simuler l’effet de la e-cigarette. Les scientifiques reconnaissent aussi ne pas avoir inclus les autres produits chimiques présents dans le dispositif et n’ont pour le moment mesuré les effets nocifs des arômes sur la santé qu’à court terme.
Enfin, explique le Dr Fetterman, les effets des arômes sur les cellules endothéliales n’ont été constatés qu’à l’extérieur du corps, puisque les cellules avaient été prélevées et mises en culture. "Nous ne savons toujours pas quelles sont les concentrations d'arômes à l'intérieur du corps", reconnaît-elle.