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Plasticité neuronale

Pour l'apprentissage et la mémoire, servez-vous aussi de votre deuxième cerveau

Par le Dr Jean-Paul Marre

Le cerveau n’est pas qu’un amas de cellules nerveuses. Il y a aussi des cellules gliales qui ne sont pas seulement des cellules de soutien, mais sont surtout essentielles à des processus intellectuels complexes comme la mémoire. Explications.

selvanegra/istock

Les cellules gliales, les oligodendrocytes et les astrocytes, qui entourent les neurones sont les cellules les plus abondantes dans le cerveau. Contrairement à ce que l’on pensait jusqu’ici, ces cellules n’ont pas qu’une simple fonction de support des neurones : elles ont une influence majeure sur les performances des neurones dans des processus intellectuels complexes comme la mémoire.

Une équipe de l’Université de Californie a mené des recherches sur les astrocytes, des cellules en forme d'étoile qui sont beaucoup plus nombreuses que les neurones dans le cerveau. Ils ont découvert que lorsque ces cellules produisent en excès une protéine appelée "éphrine-B1" dans une zone spécifique du cerveau, les capacités de la mémoire s'affaiblissent. Les résultats de l'étude sont publiés dans le Journal of Neuroscience. Bien que cette étude ait été réalisée sur un modèle de souris, les résultats sont transposables chez l’homme, dont les astrocytes produisent également de l'éphrine B1.

Des connexions essentielles dans la mémoire

"Nous avons examiné les comportements d'apprentissage de la souris et constaté que la production en excès de cette protéine par les astrocytes peut entraver la mémoire contextuelle et la capacité de s’orienter dans l'espace", explique Iryna Ethell, professeure à l'École de médecine de l’Université de Californie. "Nous pensons que les astrocytes exprimant trop d'éphrine-B1 peuvent attaquer les neurones et supprimer les synapses, les connexions par lesquelles les neurones communiquent".
Un élément inquiétant car cette production d'éphrine B1 est aussi exagérée en cas de lésion cérébrale traumatique. Par ailleurs, une perte excessive des connexions entre les cellules nerveuses est également observée dans les troubles neuro-dégénératifs comme la maladie d'Alzheimer, la sclérose latérale amyotrophique et la sclérose en plaques.

Des capacités de mémoire limitées

L'hippocampe est une petite région du cerveau responsable de la mémoire, qui a toujours été considérée comme étant très plastique, avec de nouvelles connexions entre les neurones qui se forment en permanence lorsque nous apprenons quelque chose de nouveau. Mais l'hippocampe est donc une petite structure dotée d'une capacité limitée. On ne peut pas se souvenir de tout : certaines connexions doivent donc être détruites pour pouvoir en créer d’autres. "Pour continuer d’apprendre, il faut d'abord oublier". La vie, l’apprentissage et la mémoire consiste à maintenir un équilibre entre "être capable d'apprendre mais aussi d'oublier".

L'éphrine B1 intervient dans la régulation des connexions

Lorsque les chercheurs ont analysé le comportement des cellules neurologiques de la souris dans un tube à essai après l’ajout d’éphrine B1, ils ont observé que les astrocytes "mangeaient" des connexions entre les neurones, ce qui suggère que des interactions étroites entre cellules gliales et neurones influencent l'apprentissage et la mémoire.
A l’opposé, lorsque cette protéine diminue (ou est régulée à la baisse), il en résulte plus de connexions et un meilleur apprentissage. Les astrocytes, dans cette situation, ne sont pas capables de se fixer aux synapses.

Un effet positif ou négatif selon la dose

Si la surproduction d’éphrine B1 est mauvaise pour les connexions entre les neurones et la mémoire, pouvant conduire à la neuro-dégénérescence, la production insuffisante d’éphrine B1 n’est pas une solution pérenne, même si elle favorise la mémoire dans un premier temps. Dans un processus normal, l’augmentation de la production d'éphrine B1, jusqu’à un certain seuil, peut également être un mécanisme physiologique par lequel les connexions inutiles sont éliminées dans un cerveau en bonne santé afin de laisser la place pour en créer de nouvelles, selon le professeur Ethell.

"Ce qui est sûr, c'est que cibler seulement les neurones pour améliorer la mémoire est inefficace", a-t-elle déclaré le professeur Ethell. "Nous devons aussi nous occuper des cellules gliales : l'astrocyte en étoile est vraiment une étoile au cœur de la régulation de l'apprentissage et de la mémoire".