Depuis maintenant huit jours, le monde vit au rythme de la Coupe du monde de football. Moment d’unité entre les nations, de dépassement de soi et de fraternité, le Mondial 2018 a aussi sa face cachée : les violences domestiques.
Selon une étude réalisée par l'Université de Lancaster, en Angleterre, et parue en juin 2014 dans le Journal of Research in Crime and Delinquency, les auteurs expliquent, chiffres à l’appui, que le taux de violences conjugales bondit lorsque l’équipe supportée au sein du foyer perd son match. S'appuyant sur les matchs des éditions de 2002, 2006 et 2010 au cours desquels l'Angleterre a perdu, ils démontrent que ces violences domestiques augmenteraient de 38% en Angleterre et au Pays de Galles après une défaite. Une victoire n'assure pas non plus la paix dans le foyer : en cas de victoire de l’équipe britannique, les chercheurs ont aussi noté une augmentation de 26% des violences domestiques.
Les autres sports aussi concernés
En 2014, lors de la précédente Coupe du monde, l’association britannique "Tender Education and Art" s’était emparée de ces chiffres pour réaliser une campagne choc, diffusée au Royaume-Uni pendant toute la durée de la compétition.
On y voyait une femme assise sur un canapé, les yeux rivés sur un match de foot, supportant l’équipe d’Angleterre et priant pour que celle-ci remporte la partie afin de ne pas être battue par son conjoint.
Ce phénomène n’est cependant pas cantonné à nos voisins britanniques et aux seuls supporters du ballon rond. Aux États-Unis aussi, les matchs de football américain peuvent, en cas de défaite d’une équipe, être l’élément déclencheur de violences au sein du couple. Une étude menée en 2013 par l’Institut national de la santé américain rapportait que la finale du SuperBowl, le championnat national de football américain, était particulièrement à risque. Les autorités y ont enregistré une hausse de 10% des cas de violences d’hommes contre leur compagne si l’équipe supportée est battue de manière "inattendue", c’est-à-dire lorsque l’écart de points est important et que le match a lieu à domicile.
Le sport et l’alcool comme prétexte aux violences
Il serait pourtant trompeur d’attribuer au sport, et en particulier au football, la hausse des violences envers les femmes les soirs de matchs. Comme le soulignait en 2014 le site féministe Les Nouvelles News, "les grands événements sportifs ne provoquent pas la violence domestique, car les personnes violentes sont seules responsables de leurs actes. Mais les niveaux d’alcool consommés, liés à la nature fortement émotionnelle de ces événements, semblent augmenter la fréquence des incidents".
Un point de vue partagé par le criminologue Stuart Kirby. Dans un entretien au Guardian, il expliquait en 2014 : "Parce que la Coupe du monde augmente les facteurs étiologiques de la violence domestique, il y aura des individus qui commettront des violences conjugales pour la première fois".
Dans la plupart des cas de violences domestiques les soirs de matchs, les hommes qui en sont les auteurs ont consommé de l’alcool plus que de raison. Ainsi, une étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), citée par L’Express, établit que près de la moitié des femmes victimes de violences de la part de leur conjoint estimaient qu’il était sous l’emprise de drogue ou d’alcool au moment des faits.
Il faut cependant rappeler que la consommation excessive d’alcool est loin d’être une excuse aux violences. Tout comme la défaite de l’équipe nationale à la Coupe du monde n’en est pas une non plus. Les hommes qui agressent leur conjointe se servent de ces éléments comme prétexte, explique Ryan Campbell, CEO de l’organisation britannique Drug, Alcohol and Mental Health Services. "La raison est probablement l’alcool plutôt que le foot en lui-même, et le lien culturel qui existe entre les deux", analyse-t-il dans un article du Madame Figaro. "Pour des raisons inconnues, certains ressentent le besoin d’être alcoolisés pour regarder un match de foot. Ils prennent cette occasion comme excuse pour se saouler et agresser. L’association entre le football, la consommation élevée d’alcool et la violence est alarmante, en particulier quand le tout est mélangé à une forme de sexisme, d’homophobie et de xénophobie, ce qui est souvent le cas."