Le Royaume-Uni est sous le choc depuis quelques jours. Plus de 450 personnes seraient décédées à cause d’un surdosage d’anti-douleurs à base d’opioïdes alors qu’elles étaient soignées à l’hôpital public de Gosport, situé dans le sud du pays. 200 autres décès pourraient eux aussi être suspects.
Des enquêtes classées sans suite
Un rapport indépendant, mené par l’ancien évêque de Liverpool James Jones, a permis de révéler l’affaire. Entre 1989 et 2000, des patients, principalement des personnes âgées, ont reçu des doses d'anti-douleurs à base d’opioïdes beaucoup trop élevées. Certaines infirmières et des familles ont alerté les autorités à partir de 1991, mais cela n'a débouché que sur une dizaine d'enquêtes classées sans suite. D’après ce nouveau rapport, 200 autres personnes pourraient elles aussi être décédées après un surdosage. Le texte de 387 pages précise qu’il y avait un "mépris pour la vie humaine et une habitude de raccourcir la vie d’un grand nombre de patients".
Un médecin soupçonné
Le rapport vise nommément le Dr Jane Barton, qui a travaillé au sein de cet hôpital entre 1988 et 2000, avant de remettre sa démission. D’après une note émise en 2003, 94 % de ses patients ont reçu des opioïdes. D’ordinaire, il est recommandé de suivre un processus progressif dans l’administration des anti-douleurs : les patients reçoivent d'abord des non-opiacés, puis si besoin des opiacés légers et enfin des opiacés plus forts. Les recherches révèlent que ce médecin n’aurait pas suivi ces trois étapes réglementaires.
En 2010 déjà, le General Medical Council, l’équivalent britannique de l’Ordre des médecins, avait déclaré le Dr Barton responsable d’erreurs professionnelles et coupable d’avoir mis ses patients en danger de mort. Mais les médecins avaient déclaré prendre en compte dans leur jugement ses dix années de carrière au cours desquelles aucun patient n'a été mis en danger. Le Dr Barton avait également reçu 200 lettres de soutien. Elle avait été condamnée à ne plus injecter ni prescrire d’opiacés pendant trois ans.
Une enquête entre les mains de la police
Le ministre de la Santé, Jeremy Hunt, a présenté ses excuses aux familles lors d’une allocution au Parlement britannique. Selon lui, c’est la police qui "décidera de l’opportunité d’engager des poursuites".
L’affaire rappelle celle du professeur Harold Shipman, un serial-killer déguisé en médecin. Ce dernier a tué 215 de ses patients en 23 ans, en leur prescrivant des doses élevées de diamorphine. L’homme s’est donné la mort en détention en 2004.