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30 mesures proposées

Prévention : les producteurs d'alcool s'impliquent dans la lutte contre l'alcoolisme

Par Raphaëlle de Tappie

Mis sous pression par l'Elysée, le lobby de l'alcool a présenté mercredi 27 juin sa "contribution" au plan de lutte contre l'alcoolisme. 

ronstik/iStock

"Il s’agit d’une grande première", se félicite le lobby du vin. Mis sous pression par l’Elysée, les producteurs et négociants d’alcool ont présenté mercredi 27 juin aux conseillères Santé et Agriculture d’Emmanuel Macron leur "contribution" au plan de lutte contre l’alcoolisme. Ce dernier fait partie du plan national de santé publique porté par la ministre de la Santé Agnès Buzyn. Parmi les 30 mesures proposées, la plupart ont dans leur viseur la culture du "binge drinking" ("biture express") très courante chez les jeunes et l’alcoolisation fœtale qui concerne 700 à 1000 naissances par an.

Ainsi, le lobby suggère par exemple un doublement de la taille actuelle du logo signalant l’interdiction de l’alcool aux femmes enceintes sur toutes les étiquettes de bouteille. Autres idées avancées : des formations pour les vendeurs d’alcool afin de mieux faire respecter l’interdiction de la vente aux mineurs, ou encore de favoriser la diffusion de "wine-bags" dans les restaurants pour que les clients puissent emporter leur bouteille chez eux au lieu de la finir sur le tas.   

"La prévention, ce n’est pas de la santé, nous n’allons pas nous substituer aux actions de la Santé, mais nous allons communiquer sur les risques de l’alcool et la consommation responsable", chez les cavistes, dans les supermarchés, les restaurants et le négoce, explique Joel Forgeau, président de Vin et Société, l’organisme représentant le lobby du vin, deuxième poste d’exportation derrière l’aéronautique. "La filière viticole va investir 500 000 euros par an pendant quatre ans sur des actions de formation et de prévention, et les deux autres filières (spiritueux et brasserie) dépenseront à elles deux 700 000 euros par an", soit au total 4,8 millions d’euros sur quatre ans, détaille-t-il.

49.000 morts tous les ans en France 

Car l’alcoolo-dépendance est un vrai problème en France. "Elle touche 2,9 % de la population, alors que selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle ne touche que 0,5 % de la population en Italie et 0,7 % en Espagne qui sont également de grands producteurs de vins", admet Joël Forgeau. "Ces deux pays ont mis en place depuis des années des programmes de prévention construits avec les filières de producteurs. Nous préférons nous inspirer de leur modèle plutôt que de celui des pays du nord de l’Europe qui utilisent l’arme fiscale et des discours moralisateurs excessifs", précise-t-il expliquant que ces méthodes "ne marchent pas".

Cet engagement des professionnels du secteur pourrait être expliqué par la crainte d’un relèvement des prix de l’alcool, comme cela a déjà été le cas pour le tabac. "On attendait un vrai plan de prévention et de lutte contre les effets de l’alcool en France (prix plancher, taxe, etc.)", a déploré le docteur Amine Benyamina, psychiatre addictologue et président de la Fédération française d’addictologie (FFA) à la suite de ces annonces. Sur la page d’accueil de son site, la FFA rappelle que l’alcool tue d’avantage tous les ans en France que les armes à feu aux Etats-Unis : 49 000 morts contre 33 000.

D’après l’Inserm, 10% des Français sont dépendants à l’alcool et ce dernier serait par ailleurs la deuxième cause de décès prématurés dans l’Hexagone. "En 2009, 49 000 décès étaient imputables à l’alcool en France, dont 22% des décès des 15-34 ans, 18% des décès des 35-64 ans et 7% des décès après 65 ans. Il s’agissait surtout de cancers (15 000 décès), de maladies cardio-vasculaires (12 000 décès), de maladies digestives (8 000 morts dues à des cirrhoses) et d’accidents et suicides (8 000 morts). Les autres décès relevaient d'autres maladies dont des troubles mentaux liés à l'alcool", note l’Inserm sur son site, rappelant que "les conséquences sociales de la consommation excessive d’alcool sont également lourdes".