Selon le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'agence Santé publique France, la santé reproductive masculine en France connaît une altération globale, a priori favorisée par une exposition précoce aux perturbateurs endocriniens. Même lien de cause à effet en ce qui concerne la puberté précoce, qui touche 10 fois plus souvent les filles que les garçons.
Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont analysé les variations temporelles et géographiques de quatre composantes du TDS (testicular dysgenesis syndrome). Le TDS est un trouble du développement des testicules pouvant conduire à des malformations congénitales (hypospadias, cryptorchidies) chez le garçon, un risque accru de cancer du testicule et une mauvaise qualité du sperme à l’âge adulte.
Une baisse de 32,2% de la concentration spermatique
Commençons par le sperme. Entre 1989 et 2005, une baisse significative et continue de 32,2% de la concentration spermatique a été observée. Pour un homme de 35 ans, la concentration moyenne est passée de 73,6 millions de spermatozoïdes/ml en 1989 à 49,9 millions/ml en 2005, soit une diminution d’environ 1,9%, (1,4 million de spermatozoïdes) par an.
Concernant le cancer des testicules, le taux brut moyen d’incidence dans la période d’étude était de 6,5/100 000, avec une augmentation des cas de 1,52% par an. Il existe une grande hétérogénéité de la maladie à l’échelle nationale, avec des incidences élevées à l’extrême ouest et l’extrême est et des incidences globalement inférieures dans la moitié sud par rapport à la moitié nord de la France. Le nombre de malformations congénitales est tout aussi inquiétant. Le taux moyen d’incidence des cryptorchidies chez les garçons de moins 7 ans durant la période d’étude était de 2,57/1 000, avec une augmentation des cas de 2,64% par an.
La puberté précoce pathologique touche 10 fois plus souvent les filles que les garçons
"Diverses hypothèses causales peuvent être évoquées, notamment les expositions aux perturbateurs endocriniens", avancent les auteurs de l’étude. Ils ajoutent :"d'autres causes sont possibles ou peuvent être imbriquées avec les précédentes, comme le tabagisme chez les femmes enceintes (...), des facteurs nutritionnels ou métaboliques, la pollution atmosphérique ou des modifications de mode de vie (sédentarité, stress, chaleur, sommeil)".
Les chercheurs ont également établi que la puberté précoce pathologique touche 10 fois plus souvent les filles que les garçons. Comme pour le cancer des testicules, les différences sont marquées entre les régions, avec deux endroits particulièrement concernés : l'ancienne région Midi-Pyrénées et le département du Rhône, avec des incidences plusieurs fois supérieures à la moyenne nationale. "La puberté précoce peut être liée à des facteurs génétiques spécifiques, et des facteurs ethniques/populationnels pourraient aussi jouer un rôle", mais "le rôle d'une exposition environnementale à des substances potentiellement perturbatrices endocriniennes et pouvant être d'origine anthropique [liée à l'intervention des humains] est à prendre en considération, sans exclure des facteurs environnementaux non encore identifiés", estime l'agence sanitaire française.
Métabolisme et neuro-développement
Cette pathologie se manifeste par des signes de puberté avant l’âge de huit ans chez les filles et de neuf ans chez les garçons. Elle se traduit chez les filles par le développement des seins et des caractères sexuels secondaires puis par la survenue des règles et, chez les garçons, par l’augmentation du volume des testicules puis par la survenue de la mue vocale et le développement de la pilosité pubienne. La puberté précoce entraine une accélération de la vitesse de croissance et une accélération de la maturation osseuse, avec risque de soudure prématurée des cartilages de croissance et réduction de la taille à l’âge adulte. Elle expose aussi à une augmentation du risque de troubles psychologiques, et des études épidémiologiques ont mis en évidence une augmentation du risque de cancers des organes reproductifs ou de maladies cardiovasculaires.
Forts de ces nouveaux résultats, les chercheurs concluent : "ainsi, à la veille de l’élaboration de la seconde stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, il est fondamental que les travaux présentés dans ce BEH soient poursuivis et élargis à d’autres pathologies comme, par exemple, celles du métabolisme ou du neuro-développement, dont un lien est supposé avec l’exposition aux perturbateurs endocriniens".