Le congrès américain annuel de cancérologie, l’American Society Of Clinical Oncology (ASCO), qui a réuni 40 000 congressistes du 1er au 5 juin dernier à Chicago, fut l'occasion de présenter les dernières avancées thérapeutiques à l'ensemble de la communauté scientifique mondiale. Organisé par l’industrie pharmaceutique, ce rendez-vous a permis de découvrir de nouveaux traitements innovants, mais hors de prix.
Outre l'aspect révolutionnaire de ces avancées médicales, subsistent quelques questions : qui pourra s'offrir ce genre de traitement novateur ? L'évolution des traitements peut-elle engendrer une perte de chances chez certains patients ? Sont-ils condamnés faute de moyens ? "Si on ne se donne pas les moyens d’offrir ces médicaments innovants à tous les patients qui peuvent en bénéficier, on peut clairement parler de perte de chance…", déplorait sur place Muriel Dahan, directrice des recommandations et du médicament à l’Inca.
"Réveiller" l'opinion publique et le gouvernement
L'innovation thérapeutique irait-elle donc trop vite pour les institutions ? Le Docteur Jean-François Lemoine a interrogé le Professeur Thierry Lebret, chef du service d'urologie de l'hôpital Foch, à Suresnes, et le Professeur Stéphane Oudard, chef du service d'oncologie à l'hôpital Georges Pompidou, dans son émission La Santé en questions. Tous deux ont décidé d'alerter l'opinion publique sur ces disparités.
"Je pense que lorsqu'il y a une innovation thérapeutique dans le cancer de la vessie par exemple, dont le pronostic est assez sombre, les médecins que nous sommes essayons d'y avoir accès pour gagner des semaines, des mois, voire des années supplémentaires et améliorer la qualité de vie", explique Thierry Lebret. "On a envie de crier un petit peu pour réveiller tout le monde et avoir accès à ces thérapeutiques qui sont déjà utilisées outre-Atlantique et que pour l'instant nous n'avons pas en France". "On assiste à beaucoup de présentations orales à ces congrès là, renchérit le Professeur Oudard, et lorsque l'on rentre en France, nous ne pouvons malheureusement pas utiliser ces molécules".
C'est notamment le cas de l'immunothérapie. Ce traitement révolutionnaire, qui consiste à stimuler les défenses immunitaires de l'organisme afin de lutter contre différentes maladies, est efficace chez 25 à 30% des patients chez qui la chimiothérapie n'a pas marché. Pour autant, trop coûteux, le traitement ne sera bientôt plus remboursé, donc plus prescrit en France. Seuls les privilégiés pourront en bénéficier à l'étranger, modelant un système de santé à deux vitesses et creusant un peu plus les inégalités.
"On nous dit que c'est une question de coûts"
Atteinte d'un cancer de la vessie à un stade avancé avec des métastases osseuses, Catherine Assemat explique dans cette émission comment l'immunothérapie lui a permis de retrouver une meilleure qualité de vie après l'échec de la chimiothérapie. "J'ai eu la chance d'être l'une des premiers patients à bénéficier de l'immunothérapie dans le domaine public (...) Il était urgent que je reçoive ce traitement, parce que j'étais vraiment en très, très mauvais état".
Neuf semaines après le début de l'immunothérapie, le traitement affichait un taux de réussite de 41% sur ses tumeurs : "j'avais récupéré une vie normale, une autonomie totale. Sans cet outil là, reconnait-elle, je pense qu'aujourd'hui que je serais morte. Je suis tellement contente que ce médicament m'ait été bénéfique, que je n'ose pas imaginer qu'on ne puisse pas continuer à s'en servir. On nous dit que c'est une question de coûts, de résultats (...). Si on ne permet pas à quelqu'un de vivre alors qu'on a un outil qui le permet, oui on le condamne".
"Je pense qu'Agnès Buzyn a d'autres choses à faire, mais il serait urgent de la saisir", déplore Catherine Assemat. Et de continuer face caméra : "Madame la ministre s'il-vous-plaît, penchez-vous sur ce dossier de l'accès aux médicaments innovants qui soignent les patients, car il y a des vies à sauver, vite".