Deux Antisens différents, des molécules complexes qui peuvent être produites industriellement, sont capables de bloquer la production d’une protéine anormale en excès (la transthyrétine mutée) et d’améliorer à un niveau jusqu’ici jamais atteint des malades porteurs d’une anomalie génétique rare à l’origine de l’amylose héréditaire avec polynévrite.
Les 2 études sont publiées simultanément dans le New England Journal of Medicine. Les 2 Antisens sont différents, leur efficacité est proche et il existe une différence de tolérance. Ces étude ouvrent enfin la voie à l’utilisation thérapeutique à grande échelle de molécules qui ont été découvertes il y a maintenant plus de 15 ans.
En théorie, les Antisens, ou « ARN interférents », sont capables d’être développés spécifiquement pour chaque maladie (et même pour chaque malade) où la sécrétion d’une protéine anormale est produite en excès dans le corps.
Les Antisens sont des ARN interférents thérapeutiques
Toute l’information génétique nécessaire à la constitution du vivant est inscrite dans nos chromosomes qui sont transmis par les parents à l’enfant et sont contenus dans le noyau des cellules.
Les chromosomes sont constitués de 2 brins d’ADN, chaque brin d’ADN étant une très longue séquence de molécules oligonucléotides. A intervalles réguliers sur ces brins d’ADN sont situés de petites séquences d’oligonucléotides qui correspondent aux gènes, les fragments d’ADN qui codent pour la production d’une protéine.
Lorsqu’il est nécessaire de produire une protéine, les brins d’ADN s’écartent, une séquence complémentaire (« en miroir ») du gène est fabriquée sous forme d’un « ARN messager ». Celui-ci va sortir du noyau de la cellule et être « traduit » (ou transcrit) en protéine par les organites de la cellule. Ce processus est normalement régulé par des ARN interférents.
Bloquer la production d’une protéine anormale
Dans l’amylose héréditaire avec polynévrite (et troubles cardiaques rénaux et oculaires), il y a un excès de production d’une protéine anormale, la transthyrétine mutée, en raison d’une anomalie génétique sur le gène codant cette protéine. Cette protéine va alors se déposer dans tous le corps et en particulier dans les nerfs, le cœur, les reins et les yeux) pour y provoquer des lésions.
Jusqu’ici, pour éviter ces dépôts, on a essayé de détruire ou d’éliminer la protéine anormale, mais cela ne marche pas très bien. Il est également possible de corriger le gène anormal avec la thérapie génétique, mais cela reste risqué et très difficile.
Les Antisens, ou « ARN interférents thérapeutiques », peuvent être fabriqués en dehors du corps, en miroir du gène anormal, dans un processus industriel qui n’est désormais pas très compliqué à condition d’avoir la séquence complète du gène muté. Ils peuvent ensuite être réinjectés par voie veineuse ou sous-cutanée chez le malade pour rentrer dans les noyaux des cellules et venir bloquer très spécifiquement les gènes anormaux sur l’ADN, sans toucher aux autres gènes ni provoquer d’effet secondaire.
Un outil remarquablement puissant
Dans les 2 études présentées, les résultats sont incroyables avec une réduction drastique de la production de tranthyrétine mutée et une régression de 70 à 80% des lésions neurologiques en 18 mois : un résultat exceptionnel chez des malades lourdement handicapés et qui risquent de mourir.
Il reste encore du travail à faire pour comparer les 2 Antisens, mais d’ors et déjà, les résultats obtenus démontrent la validité et la puissance du concept thérapeutique. Ainsi, le traitement de toute maladie où le blocage d’un gène sécrétant une protéine anormale, que ce soit dans une maladie de surcharge ou dans un cancer, est susceptible d’être complètement révolutionné.
La technique des Antisens n’a pas de limite et on peut même individualiser le traitement pour chaque personne et s’intéresser à des maladies beaucoup moins graves. Il est même possible d’envisager manipuler le vivant en bloquant n’importe quel gène, de façon temporaire ou définitive pour améliorer les capacités physiques et intellectuelles d’une personne.