Après avoir récemment annoncé que le cannabis médical "pourrait arriver en France", la ministre de la Santé Agnès Buzyn a fait un pas de plus vers "la cigarette de cannabis" à usage médical lors d'une interview accordée à RMC le 10 juillet. A condition néanmoins, qu'elle apporte "un plus" dans le traitement de maladies par rapport aux médicaments à base de cannabis déjà autorisés en France.
"Il existe des médicaments à base de cannabis, c'est du cannabis médical sous forme de gélules, ces médicaments sont autorisés, mais ils sont en négociation de prix. Lorsque le prix sera fixé, des personnes vont avoir accès à ces médicaments", a-t-elle expliqué. D'autres voudraient aller vers l'autorisation d'utiliser la cigarette de cannabis comme du cannabis médical et là, un certain nombre de recherches sont en cours dans différents pays pour savoir si vraiment cela apporte un plus par rapport aux médicaments en comprimés".
#Santé #Cannabis
— RMC (@RMCinfo) 10 juillet 2018
"Si c'est utile à des concitoyens pour soulager des douleurs, nous pourrons légaliser le cannabis médical, je n'ai pas de doctrine arrêtée à ce sujet"
? @agnesbuzyn Ministre de la Santé et des Solidarités#BourdinDirect pic.twitter.com/0zhdDzjkJ7
Ces déclarations font suite à une tribune, co-écrite par des élus, des médecins ainsi que des écrivains et publiée dimanche 8 juillet dans Le Parisien pour demander à "madame la ministre" d'aller "plus vite".
"Produire du cannabis pour un usage thérapeutique en France n’est plus une option mais une nécessité. Comment ne pas déplorer le statu quo national sur cette question de santé publique ? Pourquoi maintenir le sceau de l’interdit et l’arsenal législatif et réglementaire qui l’accompagne à l’égard de plus de 300 000 patients français qui pourraient apaiser leur souffrance autrement ?", s’interrogent les signataires, parmi lesquels figurent, entre autres, le sénateur PS Rachid Témal, le maire PS de Strasbourg Roland Ries, les députés LREM Sonia Krimi, Jean-Baptiste Moreau, et Florent Boudié, le maire EELV de Grenoble Eric Piolle et le maire EELV du IIe arrondissement de Paris, Jacques Boutault.
« #Cannabis #thérapeutique, Allons plus vite, Madame la Ministre ?!? ».
— Rachid Temal (@RachidTemal) 8 juillet 2018
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L'inefficacité du cannabis sur la douleur chronique
Reste à savoir sur quelles études s’appuie cette requête. Ceux qui s’y engagent pensent "qu’une minorité de réfractaires persistent à considérer l’usage du produit comme dangereux, en le réduisant à la catégorie des substances prohibées", alors que "le rapport très complet des effets du cannabis sur la santé que les académies américaines des sciences, d’ingénierie et de médecine ont publié en 2017 (….) confirment l’efficacité du produit dans la gestion de la douleur chronique, les troubles physiques provoqués par les chimiothérapies et les spasmes musculaires liés à la sclérose en plaques."
Concernant la gestion de la douleur chronique non due au cancer, une toute récente étude prospective publiée par The Lancet vient de démontrer que le cannabis n’est pas efficace. Le recrutement de la cohorte s'est déroulé du 13 août 2012 au 8 avril 2014. 1514 participants ont été interrogés, entre autres, sur les origines et la durée de la douleur chronique, la consommation de cannabis au cours de la vie et des 12 derniers mois, la prise d’opioïdes et l’existence ou non de troubles dépressifs ou anxieux généralisés.
Après quatre ans de suivi, 295 participants (24%) avaient consommé du cannabis pour soulager la douleur. Comparativement aux personnes n'ayant pas consommé de cannabis, les chercheurs ont constaté que les participants qui avaient consommé du cannabis avaient "un score de gravité de la douleur plus élevé". "Nous n'avons trouvé aucune preuve que l'usage de cannabis a réduit l'usage des opioïdes prescrits ou augmenté les taux d'abandon des opioïdes", ajoutent les scientifiques.
Troubles physiques provoqués par les chimiothérapies
Passons aux troubles physiques provoqués par les chimiothérapies. Aux Etats-Unis, souvent cités en exemple du fait de la légalisation du cannabis thérapeutique dans 28 Etats, près de la moitié des oncologues avouent parler de la consommation de marijuana à des fins thérapeutiques à leurs patients sans être suffisamment informés sur le sujet, selon une étude publiée dans le Journal of Clinical Oncology. Notons qu’il s’agit de la première enquête nationale sur le sujet depuis que l’usage du cannabis thérapeutique est autorisé chez les Américains, et qu’elle a été publiée en mai 2018, donc bien après le rapport des effets du cannabis sur la santé des académies américaines des sciences, d’ingénierie et de médecine sur lequel s’appuient les signataires de la tribune pro cannabis médical.
80% des oncologues interrogés ont ainsi déclaré avoir déjà abordé la question du cannabis thérapeutique avec leurs patients, mais moins de 30% d’entre eux ont estimé avoir suffisamment de données scientifiques pour faire de telles recommandations. "Les preuves scientifiques appuyant l'utilisation de la marijuana médicale en oncologie sont encore très minces, ce qui place les médecins dans une position très inconfortable", rappelle donc, et à raison, le docteur Ilana Braun, du Dana-Farber Institute of Adult Psychosocial Oncology, et ce même si 82% des Français sont favorables à l’usage du cannabis sur prescription médicale.
Le cannabis et la sclérose en plaques
Finissons par la sclérose en plaques. La plupart des études menées sur le cannabis portent sur le court terme. Toutes précisent que le cannabis médical peut produire une diversité d’effets secondaires, dont une difficulté d’attention et de concentration, des étourdissements, de la somnolence ou de la fatigue, une perte d’équilibre et des chutes, des nausées, des vomissements et des constipations, ou encore des problèmes psychologiques tels que la dépression et la psychose.
Actuellement, un seul médicament cannabinoïde possède une autorisation de mise sur le marché français : le Sativex, recommandé contre la spasticité et la sclérose en plaques. Le dronabinol et le cannabidiol, utilisés pour des patients atteints de douleurs neuropathiques réfractaires aux traitements classiques ou des épilepsies sont accessibles, mais seulement avec une autorisation temporaire nominative (procédure permettant de mettre à disposition de certains patients un médicament n’ayant pas d’autorisation de mise sur le marché et ne faisant pas l’objet d’un essai clinique dans cette indication).