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A l'encontre des stéréotypes

Violences domestiques : une réalité chez les couples homosexuels également

Par Raphaëlle de Tappie

D'après une nouvelle étude américaine, près de la moitié des homosexuels ont déjà été victimes d'abus émotionnels ou physiques au sein de leur couple. 

stevanovicigor / iStock

Les violences domestiques ne touchent pas que les couples hétérosexuels et les femmes n’en sont pas les seules victimes. La moitié des hommes gays sont eux aussi soumis à des abus en tous genre au sein de leur couple. Telle est la conclusion d’une nouvelle étude américaine parue ce mois-ci dans la revue American Journal of Men's Health, la première à s’être intéressée à la violence au sein des couples homosexuels masculins.

Parmi les 320 hommes suivis (160 couples) en 2018 par l’Université du Michigan, 46% ont rapporté avoir expérimenté une forme de violence dans leur couple au cours de l’année précédente, qu’il s’agisse d’abus émotionnel ou physique. "Si vous regardez juste la violence physique et sexuelle dans les couples masculins, elle représente entre 25 et 30%, soit environ la même que chez les femmes", détaille Rob Stephenson, directeur du Centre sur les Disparités Sexuelles et Médicales. "Nous sommes bloqués avec la représentation mentale d’une violence domestique perpétrée par un bourreau masculin sur une victime féminine. Même si cela existe, il y a d’autres formes de violences domestiques dans tous les types de relations", explique-t-il.

Aussi, ces résultats changent la donne car ils vont à l’encontre des stéréotypes, la plupart des études sur la violence conjugale ayant tendance à être réalisées du point de vue de la femme dans un couple hétérosexuel. Par ailleurs, pour une fois, l’Université du Michigan ne prend pas seulement en compte les violences physiques mais également les comportements abusifs, qui isolent, humilient ou contrôlent le partenaire.

Un sujet encore plus tabou en France

Ici, on constate que la violence dans les couples homosexuels rejoint la prévention contre le sida car les hommes coincés dans des relations abusives peinent souvent à négocier l’utilisation du préservatif et à décider de la fréquence et de leurs relations sexuelles, explique Stephenson. Enfin, cette étude établit un lien fort entre le refus de l’homosexualité et la violence. En effet, un homme gay qui aura du mal à assumer son identité sexuelle pourra s’en prendre à son partenaire de manière violente physiquement ou émotionnellement pour relâcher la pression. De la même manière que, dans un couple hétérosexuel, il arrive qu’un homme au chômage se défoule sur sa femme car il n’arrive pas à gérer sa frustration et son sentiment d’impuissance. 

C’est pourquoi, Stephenson aimerait que les médecins commencent à poser des questions sur la violence aux couples masculins. Mais si le spécialiste trouve le sujet tabou outre-Atlantique, il est déjà bien plus évoqué qu’en France. En effet, il n’existe aucune étude nationale et fiable sur le sujet et les associations LGBT évitent de se prononcer sur la question. Il y a quelques années, une étude canadienne avait établi que 15% des gays et lesbiennes auraient été victimes de violences conjugales contre 7% chez les hétérosexuels au cours de l’année 2004. Selon le site spécialisé rezosante.org, il s’agirait même de la troisième cause de problèmes de santé chez les homosexuels après le VIH et les drogues. En France, pourtant, on se tait.

D’après Elodie Brun, coordinatrice LGPM (Lesbian and Gay Pride Montpellier), interviewée par Slate fin 2012 dans l’un des rares articles sur le sujet, "les associations LGBT ont peur de réactiver les clichés, comme celui de la lesbienne camionneuse. Elles ne souhaitent pas donner de grain à moudre à leurs détracteurs".

Par ailleurs, "porter plainte pour violence conjugale est assez difficile pour un homosexuel. En effet, dans certains cas, il y a la peur du ridicule, la peur de devoir avouer son homosexualité devant des inconnus, de ne pas être pris au sérieux. D’autres ont peur que cela se sache et que leur sexualité soit découverte par leurs proches ou bien même dans leur commune. Parfois même, certains homosexuels vivent des relations de couples considérées comme leur seul repère amoureux dans la société, car ils vivent éloignés de tout lien LGBT, ne côtoient personne d’autre que leur conjoint. Ainsi ils sont effrayés de devoir quitter tout cela et de se retrouver dépourvu de repères dans une société où il n’est pas toujours simple d’être membre de la communauté LGBT", expliquait Slate.