Leur mouvement ne fait pas la Une des journaux, et pourtant, il témoigne d’un profond malaise. Celui des patients à l’hôpital bien souvent traités comme des numéros ; celui des personnels soignants soumis à des cadences qui relèguent l’écoute au second plan. « Les infirmières (sont) au bout du rouleau », titre en page intérieure le Parisien. Hier, elles n’étaient qu’une centaine à manifester à Paris pour dénoncer leurs conditions de travail. Mais ce mouvement né sur Facebook, explique le journaliste Vincent Mongaillard, a fédéré en six mois 35.000 soignants. Ce collectif « Ni bonnes, ni nonnes, ni pigeonnes », qui se veut apolitique et asyndical, sert de porte-voix au ras-le-bol d’une profession.
Des semaines de 60 heures, des cadences infernales, une pression de plus en plus forte, et au bout de cet enfer quotidien, le burn-out. « Dans ma clinique, témoigne un manifestant, une infirmière doit gérer toute seule 20 patients en soins palliatifs 17 heures sur 24 ». « Il m’arrive de ne pas pouvoir prendre ma pause déjeuner de 30 minutes et d’enchaîner douze heures de suite, relate cette autre infirmière. 3 ans d’études, 8 ans d’expérience, 1.700 euros net par mois, calcule un infirmier.
La qualité des soins s’en ressent. Dans les couloirs des urgences, les brancards s’entrechoquent. « Je n’ai plus le temps de parler aux malades, confie cette aide-soignante, alors que, parfois, en pleine nuit, quand le patient est stressé, quelques minutes d’échange seraient plus efficaces qu’un cachet ». « On se met en danger et, en même temps, on met en danger la vie des patients », renchérit une collègue. « Ce ne sont plus mes valeurs de soins ». Au service des urgences depuis un quart de siècle, cette infirmière envisage aujourd’hui une reconversion. Comme beaucoup d’autres.