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Système Peek

Dépistage oculaire : des smartphones pour tester la vue des enfants

Par Charlotte Arce

Testé dans les écoles kényanes, le dépistage des troubles de la vision via smartphone a permis a plus de 20 000 enfants de faire tester leur vue et a doublé le nombre de jeunes patients se rendant régulièrement à des rendez-vous de suivi ophtalmologique.

karelnoppe/iStock

Dans le monde, environ 19 millions d'enfants souffrent d’une déficience visuelle. Elle peut affecter leur développement, leur qualité de vie, ainsi que leur niveau scolaire. En effet, nombreux sont les élèves peinant à déchiffrer ce qui est écrit au tableau à obtenir de moins bons résultats scolaires que leurs camarades.

Ceci est particulièrement le cas dans les pays en développement, où le suivi ophtalmologique des enfants est moins régulier et où ces derniers peinent souvent à se faire prescrire une paire de lunette.

Au Kenya, des chercheurs ont décidé de consacrer leurs travaux à un meilleur dépistage des problèmes de vision afin de donner à tous les enfants les mêmes chances de réussite scolaire et ont développé Peek (Portable Eye Examination Kit), un système unique de test oculaires complets basé sur smartphone.

Développé par l’International Centre for Eye Health de la London London School of Hygiene & Tropical Medicine, en partenariat avec le ministère kenyan de la Santé, le système Peek a permis de dépister les troubles oculaires de 20 000 enfants dans 50 écoles du comté de Trans Nzoia, au Kenya. Les résultats de ces travaux viennent d’être publiés dans la revue The Lancet Global Health.

Une plus grande incitation au suivi ophtalmologique

Peek comprend notamment l’application Peek Acuity, qui permet de vérifier la qualité de la vision. L'application agit comme un outil de simulation, montrant une comparaison visuelle de la vue et de la vision normale de l'enfant. Ce sont les enseignants qui ont procédé à l’évaluation de la vision des enfants, testant séparément chaque œil. Si l’enfant obtenait un résultat inférieur à 6/12, l’application collectait alors les données de références (nom du patient et du tuteur, langue locale, numéro de téléphone mobile) afin de les envoyer à l’établissement hospitalier le plus proche.

De son côté, le parent ou tuteur de l’enfant recevait un SMS personnalisé lui indiquant les résultats de son test oculaire, tandis que le chef d’établissement recevait la liste des élèves nécessitant d’avoir un suivi ophtalmologique. De nouveaux messages leur ont été renvoyés à intervalles de deux semaines jusqu'à ce que l'enfant se présente à l'hôpital, ou pendant un maximum de huit semaines.

Selon les chercheurs, ce suivi personnalisé via smartphone a fait ses preuves : 54% des enfants (285 sur 531) référés à l’école après avoir été dépistés par Peek ont assisté à un rendez-vous de suivi. À titre de comparaison, les enfants ayant fait l’objet d’un dépistage standard ne sont que 22% (82 sur 366) à s’être rendus à un rendez-vous chez l’ophtalmologue.

Auteur principal de l’étude, le Dr Hillary Rono explique : "Je vis et travaille dans une région du Kenya où les spécialistes de la santé oculaire sont peu nombreux et éloignés les uns des autres. Il est vital que nous puissions utiliser les ressources dont nous disposons aussi efficacement que possible, ce qui est à l'origine de l'idée du dépistage de la santé oculaire dans les écoles : au lieu d'envoyer des infirmières ophtalmologiques hautement qualifiées dans les écoles, si les écoles pouvaient identifier avec précision les enfants qui ont besoin d'un examen plus approfondi ?"

Selon lui, le système Peek a toutes ses chances de devenir une référence dans le dépistage des troubles de la vision chez les enfants grâce à son mode de fonctionnement sur smartphone. "Plus de 80% de la population du Kenya possède un téléphone portable - plus que ceux qui ont accès à l'eau potable - il est donc logique d'utiliser cette technologie pour améliorer l'efficacité de notre système de soins de santé."

Des limites dans le dépistage

Avant d’être généralisé, les chercheurs devront toutefois travailler sur les défauts de ce type de dépistage. Ainsi, ils expliquent que le test de Peek Acuity identifiait parfois des enfants comme ayant des problèmes de vue alors qu’il a été constaté plus tard qu’ils ne présentaient aucune déficience visuelle.

De plus, en analysant les résultats de l'étude, les chercheurs ont signalé que les maladies oculaires allergiques fréquemment diagnostiquées chez les enfants qui se présentaient au dépistage de Peek étaient des faux positifs. Afin de réduire ce nombre de faux positifs, les chercheurs ont suggéré que des tests supplémentaires pourraient être intégrés au programme de dépistage et qu’un signal ne soit déclenché que si un enfant échoue deux fois sur trois.