Avez-vous déjà entendu le terme de labiaplastie ou nymphoplastie ? Il s’agit de la nouvelle chirurgie à la mode, qui ne consiste pas à se refaire faire le lobe de l’oreille mais la vulve. Plus précisément de se faire réduire ou modifier la taille des grandes ou petites lèvres du vagin. Et depuis une quinzaine d’années, cette tendance ne cesse de prendre de l’ampleur. Si le phénomène reste encore très faible en France, il touche de plus en plus d’adolescentes au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, temple de la chirurgie esthétique.
En juillet, la BBC publiait un article selon lequel plus de 200 mineures britanniques (dont 156 de moins de 15 ans) avaient subi une labiaplastie en 2015-2016. L’organisme de santé du Royaume-Uni, le National Health Service déconseille pourtant cette intervention aux moins de 18 ans, leurs organes génitaux n’étant pas formés définitivement, d’autant plus si la patiente réclame l’opération pour des raisons purement esthétiques.
"Mais les jeunes femmes savent qu’elles auront plus de chance d’obtenir cette opération si elles disent que ça perturbe leurs relations sexuelles, leur pratique du sport. Elles ont l’impression que ça les rendra normales", expliquait la médecin généraliste Paquita de Zulueta à la chaîne britannique. "Je vois des jeunes filles de 11, 12 ou 13 ans qui pensent qu’elles ont un problème avec leur vulve. Qu’elle n’a pas la bonne forme, la bonne taille. En fait, elles semblent dégoutées par leur intimité", déplorait-elle, rappelant que les organes génitaux peuvent avoir diverses formes et couleurs tout en étant parfaitement normaux.
Plus 80% de labiaplasties chez les jeunes filles aux Etats-Unis en un an
En 2016, c’est le quotidien américain The New York Times qui s’inquiétait de cette tendance grandissante chez les ados américaines suite à la publication des chiffres de la Société américaine de de la chirurgie esthétique et plastique : 400 jeunes filles de 18 ans et moins auraient eu recours à une labiaplastie en 2015, contre 222 en 2014, soit une augmentation de 80 %. Le média rappelait par ailleurs que ces données n’englobaient pas les procédures effectuées par les gynécologues. En effet, dans le passé, la labiaplastie était seulement vu comme un rajeunissement du vagin après un accouchement ou chez les femmes âgées. "Lorsque la patiente est ménopausée ou en période de péri-ménopause, nous proposons également un lipofilling (prélèvement de la graisse sur la patiente puis celle-ci est injectée dans les grandes lèvres pour leur apporter du volume) des grandes lèvres", explique le Dr. Mohamed Derder, chirurgien esthétique à Paris, à Femmes Actuelles.
Alors pourquoi un tel engouement chez les jeunes Anglo-Saxonnes ? Certains médecins font le lien avec l’épilation ou le rasage de plus en plus important des poils pubiens qui révèle donc de plus en plus les lèvres. Par ailleurs, les adolescentes étant de plus en plus exposées au porno, elles sont sans cesse confrontées à des sexes qu’elles imaginent "parfaits": lisses, épilés et symétriques, avec aucune lèvre qui dépasse. "Beaucoup de femmes voient des films pornos où tout est "clean", et c'est ce qu'elles veulent. Je ne peux pas expliquer cette demande autrement qu'en disant : c'est notre société qui veut ça", commentait le chirurgien canadien Carlos Cordoba en février 2015 au site d’information La Presse.
Mais au-delà des questions de société inquiétantes qu’elle pose, cette opération n’est pas sans risques physiques. En effet, "les lèvres ont beaucoup de terminaisons nerveuses. Il pourrait donc y avoir une diminution de la sensation sexuelle après l'opération, un engourdissement, une douleur ou des cicatrices", expliquait le Docteur Julie Strickland, présidente du Collège américain des gynécologues et obstétriciens, suite à une réunion sur le sujet en janvier 2017. A la suite de cette dernière, les spécialistes avaient émis des directives à destination des médecins américains via un document demandant aux gynécologues d'évaluer toutes les alternatives à la labiaplastie pour soulager le mal-être ou l’inconfort de la patiente. Et éventuellement de dépister une dysmorphophobie, soit la crainte obsédante d’être laid ou déformé.
Des médecins plus vigilants en France
En France, toutefois, on est encore loin de tout ça. "Ici, la médecine de chirurgie répond à des procédures rigoureuses et nous opérons moins facilement qu'aux États-Unis. Les médecins sont très vigilants quant à l'âge des patientes. Elles sont peu à consulter à 14 ou 15 ans pour demander ce type d'intervention", expliquait le chircurgien Marc Abecassis à La Dépêche en 2015.
Dans le détail, une labiaplastie ou nymphoplastie coûte entre 1500 et 3000 € (avec lipofilling). Son remboursement est possible si l’acte chirurgical est effectué dans un but médical non esthétique. Cela limite la prise en charge aux réductions des petites lèvres hypertrophiées, soit lorsque celles-ci mesurent 4 cm ou plus. "Néanmoins, il existe une dérogation à la règle quand une femme souffre de troubles psychologiques graves, liés à l’aspect de ses parties génitales ; cela doit être prouvé par un psychologue et approuvé par le médecin conseil de l'assurance maladie. Dans ce cas, le remboursement de la chirurgie de l’hypertrophie des lèvres vaginales est tributaire du rapport psychologique", explique le site mutuelles.pascheres.org, comparateur de mutuelles.