La commercialisation d’un test de séquençage du génome contre moins de 200 euros est passée presque inaperçue, alors qu’il y a dans cette nouveauté tous les ingrédients d’une véritable bombe médicale.
L’histoire commence à la fin des années 90. Une annonce en fanfare du président Clinton, donnant à la recherche médicale américaine des crédits illimités pour déterminer la séquence exacte de chacune des trois milliards de lettres du code génétique qui forment un génome humain. Le secret de la vie, du moins du code barre individuel qui gère toutes les cellules fabriquées par le corps ; la version Clintonienne du "We choose to go to the moon…" de JF Kennedy en septembre 1961 ; un pari tout aussi mégalo, tout aussi difficile, mais tout aussi réussi, puisqu’il ne faudra attendre que quelques années – des milliards de dollars plus tard – pour découvrir, en 2003, le séquençage complet du génome d’un premier homme. Un dossier dès le départ très commenté… En réalité, depuis 1900 et la découverte des lois de l’hérédité déterminant le comportement des gènes et des chromosomes, la bagarre entre l’inné et l’acquis fait rage. Existe-t-il un fondement génétique pour tout : les classes sociales, la sexualité, le QI, la criminalité ou la maladie mentale ? Le séquençage devait amener une partie de la réponse.
Première surprise, il remet l’homme à sa place et réaffirme l’importance de l’acquis : certes nous sommes en haut de l’échelle des espèces de la planète, mais avec une relative petite quantité de gènes. Nous en avons moins que de nombreuses autres espèces animales et végétales, moins qu’un grain de riz par exemple, et nous en partageons 95% avec notre plus proche parent, le chimpanzé. On espérait découvrir les gènes responsables de maladies comme le cancer, l’Alzheimer ou l’infarctus. Déception, le séquençage ne donne que des tendances, pas beaucoup plus précises que ce que permet l’observation des parents, frères ou sœurs. L’intérêt de cet examen est toutefois de regrouper les résultats de façon plus systématique et chiffrée, avec la possibilité d’agir sur l’environnement. On peut prédire la tendance à l’obésité, au diabète ou à l’infarctus, ou la réaction de chacun face à l’alcool… Mais impossible de remplacer des gènes défectueux.
Ce premier décodage aura toutefois une conséquence pratique positive immédiate : la possibilité de concevoir des médicaments spécifiques et de prévoir leur efficacité. L’entrée de plein pied dans cette médecine moderne, réservée à ceux qui auront les moyens de disposer de services à la carte. Mais la clef d’entrée dans ce monde, qui semblait il y a quelques années encore inaccessible, est mise à la disposition de qui le désire, pour moins de… deux cent euros. En 24 heures, sans douleur, à partir d’un simple prélèvement cellulaire avec un coton tige. Des dizaines de milliers de candidats vont pouvoir bénéficier de ce qui paraissait de la science fiction. Des voix s’élèvent contre cette possibilité ; en particulier celle d’Axel Kahn, le célèbre généticien Français. Il pointe du doigt l’utilisation détournée de cette "mine" de renseignements intimes et personnalisés et l’utilisation que pourraient en faire les assureurs ou les employeurs…
Toutefois ces remarques éthiques risquent de ne pas peser bien lourd face au marché colossal de "l'envie de savoir" et celui plus éthiquement défendable de la gestion des médicaments ciblés, déjà mis au point, hors de prix et que l’on ne sait pas encore parfaitement utiliser.
Pour en savoir plus sur la bioéthique : "La loi de bioéthique en questions", une émission de la chaîne VYV fréquence médicale.
L’invité de cette émission est le Professeur Axel Kahn, médecin généticien, directeur de recherche à l’Inserm, surtout connu du grand public pour ses actions de vulgarisation scientifique et ses prises de position sur des questions éthiques et philosophiques ayant trait à la médecine et aux biotechnologies ; en particulier dans le cadre de son travail au sein du Comité consultatif national d’éthique. Ce comité organise depuis le début de l’année les Etats généraux de la bioéthique, phase préalable à la révision de la loi de bioéthique prévue pour la fin de l’année. En France, cette loi est révisée tous les 7 ans au moins. C’est pour cette raison que le débat fait rage depuis quelques mois, car elle concerne un nombre important de sujets. Ils sont d’ailleurs tellement nombreux que, pour ne pas faire une émission catalogue, pour alimenter la réflexion de chacun de nous sur quelques sujets très polémiques, nous nous limiterons au décodage du génome, au clonage, à l’euthanasie, à l’intelligence artificielle, ou encore à la GPA… Sans oublier les enjeux financiers et en étant vigilants en permanence sur les retentissements éventuels dans la pratique quotidienne. Et surtout, profiter du savoir immense et de la distance que le Professeur Axel Kahn a su prendre sur tous ces sujets socialement et moralement complexes.
Toutes les émissions de la chaîne VYV Fréquence Médicale :
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