Le mésusage des antibiotiques, couplé à la mondialisation, font désormais du voyageur une potentielle menace sanitaire. "Si vous allez en Inde par exemple, vous avez 78% de chances de contracter une bactérie multirésistante", nous explique le Pr Christophe Rapp, infectiologue à l’hôpital Bégin (Saint-Mandé), directeur du centre de santé international CMETE (Paris) et président de la société de médecine des voyages (SMV). "Et lorsque vous revenez en France, la durée de portage va durer deux ou trois mois. Vous pouvez alors la transmettre à votre entourage le plus proche, où à l’hôpital qui vous prend en charge, via les mains. En ce sens, le voyageur doit considéré comme un patient à part", poursuit-il.
"Le risque épidémique a augmenté"
Les antibiotiques sont des médicaments qui servent à lutter contre les infections dues à des bactéries : les pneumonies, bronchites, otites, méningites, infections urinaires, septicémies, maladies sexuellement transmissibles…. Si on les prescrit trop, aux animaux ou aux humains, ces mêmes bactéries peuvent devenir résistantes à un ou à plusieurs antibiotiques. On parle alors de bactéries multirésistantes, qui provoquent des infections plus difficiles à traiter que celles dues à des bactéries non résistantes.
"En France, avec l’apparition des transports de plus en plus rapides, le risque épidémique a augmenté, même si les excellentes conditions d’hygiènes du pays le situe encore au niveau de l’hypothèse", poursuit Christophe Rapp. "Ce sont d’ailleurs les touristes voyageurs, autant que les migrants, qui sont vecteurs de bactéries multirésistantes. Environ un quart de ces populations sont porteuses de ce type de bactérie, les migrants ne consituent pas une menace plus grande que le reste de la population qui voyage", ajoute le spécialiste. Les touristes sont même plus à risque que les migrants puisqu'ils "importent" les bactéries plus rapidement en France.
10 à 15% de risques de le transmettre à ces proches
Les antibiotiques sont de plus en plus prescrits dans le monde, selon une nouvelle étude publiée le 26 mars dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). La consommation d'antibiotiques mondiale est passée de 21,1 milliards de doses quotidiennes en 2000 à 34,8 milliards en 2015, soit une augmentation de 65%.
Sur les 76 pays étudiés par les chercheurs, seuls ceux ayant un revenu intermédiaire ou faible (LMIC) ont fortement augmenté leur consommation d’antibiotiques (+114% en 16 ans). Le recours aux antibiotiques a par exemple augmenté de 50% en Inde, de 79% en Chine et de 65% au Pakistan. Grâce aux campagnes de sensibilisation, la hausse de consommation d’antibiotiques est en revanche faible (+ 6%) chez les pays à haut revenu (HIC) tels que la France, l’Italie ou les Etats-Unis.
"Avant, on pensait que les bactéries multirésistantes se transmettaient uniquement via les hôpitaux ou les lieux de soins. Aujourd’hui, on sait qu’elles peuvent se transmettre au sien de la société tout entière. En moyenne, un patient porteur à 10 à 15% de risques de le transmettre à ses proches. Il faut donc rester vigilant", conclut Christophe Rapp.