De récents travaux scientifiques suggèrent une nouvelle piste de traitement préventif contre la maladie d'Alzheimer, la forme la plus courante de démence. Selon l’association France Alzheimer, près de 3 millions de personnes vivent avec cette maladie. Malheureusement, il n'existe aucun traitement et, après l'apparition de la maladie, les symptômes ont tendance à s'aggraver progressivement.
Des chercheurs de l'Université de Virginie (Charlottesville, Etats-Unis) suggèrent toutefois que le mémantine, l'un des traitements utilisés pour réduire les symptômes d'Alzheimer, pourrait aider à stopper la maladie avant l'apparition des premiers symptômes.
"Le meilleur espoir de vaincre cette maladie est d'abord d’identifier les patients à risque et de commencer à les traiter avec de nouveaux médicaments et peut-être des ajustements du mode de vie qui réduiraient la vitesse à laquelle la phase silencieuse de la maladie progresse", explique George Bloom, professeur à l'Université de Virginie et auteur principal de l'étude. "Idéalement, nous devrions l'empêcher de commencer dès le départ", ajoute-il.
Processus de réentrée du cycle cellulaire
Dans cette étude publiée dans la revue Alzheimer's & Dementia, les chercheurs expliquent que la maladie d'Alzheimer commence bien avant que les premiers symptômes ne se manifestent : peut-être même une décennie à l'avance. L'une des caractéristiques de la maladie est que, une fois affectées par la maladie, les cellules cérébrales se désagrègent. Dans le jargon médical, cette tentative de division des neurones affectés est appelée "processus de réentrée du cycle cellulaire".
"On estime que jusqu'à 90% de la mort des neurones qui se produit dans le cerveau suit ce processus de réentrée dans le cycle cellulaire, ce qui correspond à une tentative anormale de division", explique le professeur Bloom.
Les récents progrès de la recherche sur la maladie d'Alzheimer accélèrent le processus de conception de meilleures thérapies et réduit considérablement les effets de cette maladie. "À la fin de la maladie, le patient aura perdu environ 30% des neurones dans les lobes frontaux du cerveau", estime le Pr Bloom.
Excès de calcium
Selon Erin Kodis, co-auteure de l'étude et ancienne doctorante du Pr Bloom, ce mécanisme pourrait être déclenché par l'excès de calcium qui pénètre dans les neurones par l'intermédiaire de récepteurs spéciaux appelés récepteurs NMDA . "Cet excès pourrait pousser les cellules du cerveau à entamer le processus de division", suppute-t-elle.
Une série d'expériences menée en laboratoire a confirmé que son hypothèse était correcte. "Nous avons constaté que ce mécanisme est mis en mouvement avant la formation de plaques amyloïdes, qui sont caractéristiques de la maladie d'Alzheimer", explique Erin Kodis.
La mémantine peut profondément modifier la maladie
Erin Kodis a constaté que lorsque les neurones rencontrent des molécules bêta-amyloïdes aux premiers stades qui précèdent l'accumulation de plaque, les récepteurs NMDA s'ouvrent pour recevoir l'excès de calcium qui mène finalement à leur destruction. En outre, la chercheuse a fait une autre découverte : la molécule contenue dans la mémantine a empêché la réentrée du cycle cellulaire en fermant les récepteurs NMDA à la surface des neurones.
"Ces résultats suggèrent que la mémantine pourrait avoir de puissantes propriétés modificatrices de la maladie si elle pouvait être administrée aux patients bien avant qu'ils ne deviennent symptomatiques et ne reçoivent un diagnostic de maladie d'Alzheimer", conclut le Pr Bloom, qui voit dans cette découverte une piste vers une approche préventive qui permettrait de dépister la maladie d'Alzheimer le plus tôt possible.
"Je ne veux pas susciter de faux espoirs", tempère le Pr Bloom. Mais si l'idée d'utiliser la mémantine comme moyen prophylactique se concrétise, ce sera parce que nous comprenons maintenant que le calcium est l'un des agents qui déclenche la maladie, et nous pourrons peut-être arrêter ou ralentir le processus si nous le faisons très tôt", avance le scientifique qui envisage de lancer un essai clinique avec son équipe afin de tester la stratégie de prévention décrite dans son étude.