L'association américaine de cancérologie ASCO en avait parlé comme de la "découverte de l'année", lors de son congrès en juin. L’immunothérapie à base de CAR-T cells (prononcez "car-ti-cell-se"), un nouveau traitement développé aux Etats-Unis très efficace pour lutter contre les formes graves de plusieurs cancers, fait (enfin) son apparition en France.
Les hôpitaux parisiens Saint-Louis et Robert-Debré ont en effet été labellisés pour développer ces médicaments dans le traitement de leucémies aiguës et de lymphomes. Si cette avancée médicale est révolutionnaire, c'est que le taux de rémission dépasse par exemple les 80% chez les moins de 25 ans atteints d'une leucémie aiguë réfractaires à un traitement classique.
Le concept des CAR-T cells
Jusqu’à maintenant, il fallait empoisonner les cellules malignes pour les détruire, le tout sans tuer le patient en attaquant malencontreusement ses cellules saines. Cette tâche était facilitée par le fait que les cellules malignes, en se multipliant plus vite que les autres, absorbaient plus de chimiothérapie que les cellules saines. Puis les chercheurs ont développé des cellules immunitaires capables de pister et d'attaquer directement les cellules cancéreuses, les CAR-T Cells. Initialement développées dans la leucémie aiguë chez l’enfant, il existe également des CAR-T cells spécifiques de différents cancers du sang chez l’adulte (myélome, lymphome…).
Plus précisément, cette thérapie consiste à modifier génétiquement en laboratoire certaines cellules immunitaires appelées les lymphocytes T, afin de les munir d’un récepteur (le CAR) pour traquer les cellules cancéreuses et les détruire. "On se sert du système immunitaire pour fabriquer un médicament sur-mesure", explique au Parisien le docteur Sophie Bernard, onco-hématologue à l’hôpital parisien Saint-Louis. "Elles sont dans une dynamique exponentielle, notamment pour le traitement du lymphome réfractaire, sixième cancer de France chez l’adulte". Un traitement de pointe donc, plus précis que n'importe quelle autre thérapie existante.
"Le but est d'avoir une sorte de grande 'armée' de lymphocytes qui puisse vite reconnaître les cellules qui ne sont pas saines, pour pouvoir les combattre" plus efficacement, détaille à son tour à franceinfo le professeur Nicolas Boissel, hématologue à l'hôpital Saint-Louis. "Dans le système immunitaire, ces lymphocytes ont déjà ce rôle : on ne fait que leur offrir une nouvelle arme pour détruire plus efficacement les cellules cancéreuses".
Autre bénéfice et non des moindres : en plus de leur redoutable efficacité, ces cellules ont une longue durée de vie puisqu'elles ont la capacité d’éradiquer des cellules cancéreuses qui réapparaitraient après plusieurs mois, voire plusieurs années. Le plus ancien malade traité avec cette technique l’a été il y a maintenant plus de 7 ans. Les cellules restent dans le corps du patient et sont donc prêtes à agir dès que la moindre cellule cancéreuse refait surface.
Des résultats encourageants en France
En France, seule une trentaine de patients en ont bénéficié dans le cadre d'un essai clinique. Chaque année, 400 nouveaux cas de leucémie aiguë lymphoblastique chez les enfants et ados sont traités à l'hôpital Robert-Debré. Souvent, elle se guérit bien. Dans le cas contraire, les CAR-T cells seront désormais prêtes à attaquer. "On a traité la toute première enfant en juin 2016. Elle va très bien. Autre chose, grâce à une seule injection, les CAR-T évitent des traitements barbares et très lourds", explique au Parisien le professeur André Baruchel, le chef du service d’hématologie qui soigne les enfants.
35 000 nouveaux cancers du sang sont diagnostiqués chaque année en France, chez des adultes, des adolescents et des enfants. On observe un taux de rémission complète de 40% 15 mois après le traitement par CAR-T cells chez des patients atteints d’un lymphome diffus à grandes cellules B réfractaire.