Pour encadrer et ralentir la progression des démences, les Pays-Bas ont mis en place des méthodes surprenantes qui semblent plus efficaces que les médicaments. Elles consistent à recréer un environnement familier du patient, via des projections vidéo ou des aménagements des espaces hospitaliers. Willy Briggen, 89 ans, atteinte de démence avancée, parvient par exemple à maitriser les accès de violence propres à la maladie en regardant des images projetées sur le plafond de sa chambre depuis son lit. Le personnel précise même que la vision de canards lui est particulièrement profitable.
La démence est un terme général regroupant un grand nombre de maladies (Creutzfeldt-Jakob, Parkinson, Alzheimer…). Les caractéristiques communes aux 55 sous-types de démence sont la perte des capacités intellectuelles, une détérioration de la mémoire, un déclin des fonctions cognitives, des troubles du langage et des perturbations des fonctions exécutives.
"Plus le stress est réduit, mieux c'est", explique dans le New York Times le Dr Erik Scherder, neuropsychologue à la Vrije Universiteit Amsterdam, et l'un des spécialistes de la démence les plus connus du pays. "Si vous pouvez réduire le stress et l'inconfort, cela a un effet physiologique direct." Jusqu'à 270 000 Néerlandais - soit environ 8,4% des 3,2 millions d'habitants âgés de plus de 64 ans - souffrent de démence. Le gouvernement s'attend à ce que ce nombre double d'ici 25 ans.
Une plage entièrement reconstituée dans le centre de soins Houttuinen
Truus Ooms, 81 ans, et son amie Annie Arendsen, âgée de 83 ans, font quant à elles régulièrement leurs anciens trajets de bus, simulés sur trois écrans simultanés, qui correspondent aux fenêtres fictives du véhicule. Un chauffeur est assis devant elle, derrière le volant. Sur les vidéos, elles peuvent voir défiler des paysages et leur ancienne maison. L’idée est aussi de faire bouger au maximum les patients, là où les structures de soin classiques les cantonnent dans leur lit ou fauteuil. Cela permet aussi aux malades de sociabiliser. On peut ainsi les voir, ravis, profiter d’une plage entièrement reconstituée dans le centre de soin Houttuinen, à Haarlem. Il y a du vrai sable sur le sol, des lampes qui produisent de la chaleur, du vent et des bruits de vagues diffusés à travers la pièce. Il est même possible de déguster une petite glace.
Même idée au centre de soin Leo Amstelring. Cette fois, c’est d'un bar d’Amsterdam dont peuvent profiter Catharina Post et son mari, Jan, atteint d’une démence grave. Son cerveau ne peut créer que 10 secondes de mémoire à court terme. Peu, mais assez pour pouvoir savourer les véritables bières servies au sein du lieu reconstitué, ou encore apprécier la projection de l’image d’un arrêt de tramway de la gare centrale d'Amsterdam, sur lequel il avait l’habitude de s’asseoir. "Soixante-dix ans que nous sommes mariés et nous sommes toujours amoureux", se rejouit Mme Post, âgée de 92 ans. Pour le Dr Scherder, neuropsychologue à Amsterdam, le constat est sans appel. "Laisser (les patients) sur une chaise, passifs, fait progresser la maladie beaucoup plus rapidement", affirme-t-il. Katja Ebben, responsable des soins intensifs dans la maison de soin Vitalis Peppelrode, a elle aussi remarqué qu’avec ces nouvelles techniques, ses malades avaient besoin de moins de médicaments et de recours à la force.
500 foyers sont déjà équipés de simulateurs
Pour éviter les environnements stressants des hôpitaux, les Neerlandais ont importé ces méthodes au sein même des foyers, de sorte que la plupart des personnes atteintes de démence vivent chez elles. Les installations, qui sont gérées de manière privée mais financées par le secteur public, sont généralement réservées aux personnes à un stade avancé de la maladie. Plus de 500 foyers sont déjà équipés de simulateurs.
Avec le vieillissement de la population mondiale, le nombre de personnes atteintes de démence devrait tripler et passer de 50 à 152 millions d’ici à 2050."On compte près de 10 millions de nouveaux cas de démence par an, dont 6 millions dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Les souffrances que cette maladie entraîne sont énormes. Nous devons réagir: il faut prêter davantage d’attention à ce problème croissant et veiller à ce que toutes les personnes atteintes de démence, où qu’elles vivent, bénéficient des soins dont elles ont besoin", déclare ainsi le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).