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Congrès européen de cardiologie

Hypertendus traités 10 ans après: réduction de la mortalité avec un traitement moderne

Par Mathilde Debry

L'étude ASCOT Legacy a suivi pendant dix ans 8 580 patients traités pour hypertension artérielle. Ses résultats vont au-delà de ce que ses promoteurs en attendaient: le traitement antihypertenseur réduit la mortalité indépendamment des autres traitements. 

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Même 10 ans après, les médicaments pour abaisser la tension artérielle et/ou le taux de cholestérol continuent d'améliorer la survie des patients hypertendus par rapport à de témoins et les traitements anti-hypertenseurs seuls réduisent aussi la mortalité cardiovasculaire. C'est ce qui ressort de résultats de l'étude ASCOT Legacy, présentés au Congrès 2018 de l'ESC, et publiés dans The Lancet.

"Les patients au milieu de la soixantaine souffrant d'hypertension artérielle sont moins susceptibles de mourir d'une maladie cardiaque ou d'un accident vasculaire cérébral avant l'âge de 75 à 80 ans s'ils avaient pris à la fois un traitement d'abaissement de la pression artérielle à base de bloqueurs des canaux calciques et une statine", explique le professeur Ajay K. Gupta, du William Harvey Research Institute.

29% moins susceptibles d'être morts d'un AVC

L'étude ASCOT Legacy a suivi sur le long terme 8 580 patients du Royaume-Uni. Tous présentaient une hypertension artérielle et trois facteurs de risque supplémentaires ou plus de maladies cardiovasculaires. Les personnes ont été répartis au hasard entre le nouveau traitement de l'époque, l'amlodipine (un inhibiteur des canaux calciques) et le périndopril (un inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine), si nécessaire, pour atteindre la tension artérielle cible, ou l'ancien traitement à l'aténololol (un bêta-bloquant) plus le bendrofluméthiazide (un diurétique), et du potassium si nécessaire.

Résultat : les participants qui ont pris un traitement antihypertenseur moderne pendant 5,5 ans sont 29% moins susceptibles d'être décédés d'un AVC dix ans plus tard par rapport ceux qui prenaient un traitement plus ancien (basé sur un bêta-bloquant). Par ailleurs, les patients qui avaient un taux de cholestérol sanguin moyen (6,5 mmol/l) ou inférieur à la moyenne au début de l'essai et ayant pris une statine pendant 3,3 à 5,5 ans sont 15% moins susceptibles d'être décédés de causes cardiovasculaires 16 ans plus tard par rapport à ceux ayant reçu un placebo. Ce bénéfice est également observé dans le groupe des personnes qui ne prenaient pas de traitement hypocholestérolémiant. 

Un sous-groupe de patients, dont le taux de cholestérol est supérieur à la moyenne, et ayant reçu un traitement hypolipidémiant standard pendant 5,5 ans, a enregistré 21% moins de décès cardiovasculaires au cours des dix années de suivi avec le nouveau traitement par tension artérielle par rapport à l'ancien. 

"Ces résultats sont remarquables"

"Ces résultats sont remarquables ", s’est félicité le professeur Peter Sever, du National Heart and Lung Institute, qui a dirigé l'étude conjointement avec le Dr Gupta. "Nous avons déjà montré que les statines procurent des bénéfices de survie à long terme, mais c'est la première fois qu'elles sont testées avec un traitement de la tension artérielle". Ajay K. Gupta ajoute : "les résultats adoubent l'utilisation d'un traitement efficace pour abaisser la tension artérielle et d'une statine chez la plupart des patients souffrant d'hypertension artérielle".

Aujourd’hui, l’hypertension artérielle (HTA) touche 15 millions de personnes en France, soit près d’un adulte sur trois. Selon l'étude Esteban récemment publiée par Santé publique France, 36% des hommes adultes sont aujourd’hui hypertendus, contre 25% des femmes. 60% des personnes âgées de plus de 65 ans souffrent par ailleurs de cette pathologie ; des chiffres qui grimpent à 80% chez les plus de 80 ans.

Des statistiques inquiétantes, surtout quand on sait que de nombreux Français souffrent d’hypertension sans le savoir. Si plus de 84% des personnes ont déclaré à Santé publique France avoir eu une mesure de la pression artérielle dans l’année précédant leur examen de santé, seule 1 sur 2 (55%) avait connaissance de son HTA parmi les personnes hypertendues. Cette proportion était plus importante chez les femmes (62,9%) que chez les hommes (50,1%). Et parmi les personnes hypertendues déclarant avoir connaissance de leur HTA, près de 30% n’étaient pas traitées par un médicament à visée anti-hypertensive.