"Sur les cent espèces végétales qui fournissent 90% de la nourriture dans le monde, plus de 70% dépendent des abeilles pour leur pollinisation. La manière dont l’humanité gère, ou gère mal, le potentiel de la nature, notamment les pollinisateurs, définira en partie notre avenir collectif au cours du XXIe siècle". Les propos d’Achim Steiner, administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement, font tristement écho à une nouvelle étude, publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society B.
"Symptômes de comportement addictif"
Selon les chercheurs, les abeilles prennent de plus en plus goût aux pesticides néonicotinoïdes, détruisant ainsi peu à peu leur système nerveux. Des colonies entières en meurt. "Il est d’abord apparu que les insectes évitaient la nourriture contenant le pesticide", raconte Andres Arce, de l’Imperial College de Londres. "Pourtant, au fur et à mesure où ils testaient la nourriture traitée, ils développaient une préférence pour celle-ci". Richard Gill, co-auteur de l’essai, renchérit : "nos résultats […] montrent certains symptômes de comportement addictif".
Pour parvenir à ces résultats, les scientifiques ont exposé oralement des abeilles femelles Osmia bicornis à des niveaux écologiquement réalistes de clothianidine (insecticide néonicotinoïde) et de propiconazole (fongicide), seuls ou en combinaison. Outre un comportement addictif, "les abeilles exposées au mélange de pesticides présentaient une maturation ovarienne lente et une longévité réduite", concluent les auteurs.
Absorbés par la plante
Les néonicotinoïdes regroupe un ensemble de sept insecticides neurotoxiques : acétamipride, clothianidine, imidaclopride, thiaclopride, thiaméthoxame, nitenpyrame et dinotéfurane. Ces produits servent à lutter contre les insestes (chenilles, cochenilles, pucerons, mangeurs de bois) de manière préventive, en enrobant les semences (betteraves, blé, colza, arbres fruitiers, vigne…). Ils sont alors absorbés par la plante et se propagent à tous ses tissus, y compris le pollen.
A partir du 1er septembre, la loi sur la biodiversité de 2016 prévoit l'interdiction des néonicotinoïdes en France (avec des dérogations possibles jusqu'au 1er juillet 2020). Utilisés depuis les années 90, ces produits toxiques sont actuellement les pesticides les plus utilisés dans le monde.
L'Union européenne va moins loin, en interdisant pour les cultures de plein champ l'utilisation de seulement trois substances (clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride). La décision, qui permettra les usages sous serre, entrera complètement en vigueur le 19 décembre.