"Staphylococcus epidermidis est devenu un formidable pathogène nosocomial", alertent, très inquiets, des chercheurs australiens dans la revue Nature Microbiology. "En utilisant la génomique, nous avons révélé que trois lignées de Staphylococcus epidermidis multirésistantes et adaptées à l'hôpital ont émergé au cours des dernières décennies et se sont répandues à l'échelle mondiale".
A l’origine, Staphylococcus epidermidis est une bactérie naturellement présente sur la peau des hommes. Elle peut être responsable d'infections cutanées, nasales ou urinaires, et touche plus facilement les personnes dont le système immunitaire est compromis. Les patients qui ont des cathéters ou des prothèses sont aussi une population à risque.
Trois variantes
D'après les chercheurs, certaines souches de Staphylococcus epidermidis ont modifié légèrement leur ADN, provoquant ainsi une résistance à des antibiotiques couramment utilisés dans les hôpitaux (rifampicine, glycopeptidiques, vancomycine, teicoplanine). Ils ont découvert trois variantes de cette bactérie multirésistante dans des échantillons provenant de 96 établissements de 24 pays, incluant des souches d'Europe.
"Nous avons commencé avec des échantillons en Australie", puis nous avons obtenu, avec d'autres prélèvements, un "aperçu global et constaté que la bactérie est présente dans de nombreux pays et de nombreuses institutions à travers le monde", explique Ben Howden, directeur de l'Unité de diagnostic microbiologique du Laboratoire de santé publique de l'Institut Doherty de l'université de Melbourne. De ce fait, Staphylococcus epidermidis pourrait causer des infections potentiellement incurables.
Dix millions de décès par an d'ici à 2050
"Il ne fait aucun doute que la résistance aux antibiotiques est l'un des plus grands dangers pour les soins hospitaliers dans le monde entier", conclut Ben Howden. La résistance croissante des bactéries aux antibiotiques provoquent 700 000 morts par an dans le monde. Si rien n’est fait, elle pourrait causer pas moins de dix millions de décès par an d'ici à 2050.
L’efficacité remarquable des antibiotiques a motivé leur utilisation massive et répétée en santé humaine et animale. Cela a créé une pression de sélection sur les populations bactériennes, entraînant l'apparition de souches résistantes. Lorsqu'on emploie un antibiotique, seules survivent – et se reproduisent – les bactéries dotées de systèmes de défense contre cette molécule.
La consommation d'antibiotiques mondiale est passée de 21,1 milliards de doses quotidiennes en 2000 à 34,8 milliards en 2015, soit une augmentation de 65%. Dans le détail, il est intéressant de constater que sur les 76 pays étudiés par les chercheurs, seuls ceux ayant un revenu intermédiaire ou faible (LMIC) ont fortement augmenté leur consommation d’antibiotiques (+114% en 16 ans). Le recours aux antibiotiques a par exemple augmenté de 50% en Inde, de 79% en Chine et de 65% au Pakistan. Grâce aux campagnes de sensibilisation, la hausse de consommation d’antibiotiques est en revanche faible (+ 6%) chez les pays à haut revenu (HIC) tels que la France, l’Italie ou les Etats-Unis.