Chaque année en France, près de 8 000 nourrissons naissent avec un syndrome d’alcoolisation fœtale. Véritable enjeu de santé publique, la consommation d’alcool pendant la grossesse fait aujourd’hui l’objet d’une nouvelle enquête aux résultats contrastés.
Menée par Santé publique France, qui en dévoile les résultats ce mardi, elle précède la Journée mondiale de sensibilisation au syndrome d’alcoolisation fœtale qui se déroulera le 9 septembre prochain. D’après l’enquête, 3 207 enfants sont nés entre 2006 et 2013 avec des problèmes de santé liés à l’alcool in utero, soit 0,48 cas pour 1 000 naissances.
1 naissance concernée chaque jour
Comme le note Le Monde, ces résultats sont de prime abord encourageants. En effet, les taux calculés en France sont bien plus bas – dix à vingt fois moins – que les estimations internationales admises. En moyenne, les auteurs estiment ainsi que 5 à 10 naissances sur 1 000 sont concernées par les troubles causés par l’alcoolisation fœtale (TCAF) et 1 sur 10 est un syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF). Or, affirment-ils eux-mêmes, ces chiffres sont largement sous-estimés. En cause : la difficulté de poser des diagnostics en période néonatale et l’absence de comptage des cas reconnus plus tard dans l’enfance.
Diagnostiqués durant les 28 premiers jours de vie, les troubles causés par une alcoolisation fœtale concernent, selon Santé Publique France, un bébé qui naît chaque jour en France. Première cause de handicap mental non génétique, la consommation d’alcool reste d’ailleurs aujourd’hui occasionnelle, voire régulière, chez certaines futures mères. En 2017, Santé publique France publiait un baromètre santé dans lequel il dévoilait qu’une femme sur 10 avait occasionnellement bu un verre d’alcool pendant sa grossesse. En baisse depuis plusieurs années, ce chiffre reste pourtant bien trop important, estime Nolwenn Regnault, épidémiologiste et coordinatrice du programme de surveillance de la santé périnatale chez Santé publique France.
Interrogée par 20minutes, elle rappelle que "l’alcool est un toxique pour le fœtus". "Le syndrome d’alcoolisation fœtale a des symptômes bien définis avec des retards de croissance, un visage avec des traits spécifiques, un impact sur le neuro-développement et en particulier une croissance cérébrale plus faible. On parle de troubles non syndromiques quand les enfants ne présentent pas l’intégralité des signes, mais vont avoir des retards de développement. Comme des difficultés d’attention, de mémoire, de sociabilité", explique-t-elle.
Des jeunes femmes moins bien informées
Le véritable enjeu aujourd’hui est de mieux informer les femmes sur les risques qu’elles prennent à boire occasionnellement un verre de vin. Car beaucoup ignorent les risques qu’elles font prendre à leur futur enfant, affirme Nolwenn Regnault. Ainsi, 4 femmes sur 10 déclarent ne pas avoir été informées des risques de la consommation d’alcool par le médecin ou la sage-femme.
Un point de vue que partage Marie-Dominique Lamblin, pédiatre et neurophysiologiste au CHRU de Lille. Interviewée dans l’émission La médecine au féminin, elle explique : "Ce qui me frappe, c’est que le phénomène est complètement banalisé, notamment chez les adolescentes et les jeunes femmes qui pratiquent le binge-drinking en masse. Or, quand on ne sait pas qu’on est enceinte, cette ingestion d’alcool massive est beaucoup plus dangereuse pour un fœtus que la consommation hebdomadaire d’un ou deux verres d’alcool", alerte Marie-Dominique Lamblin. "Et sur ce point, je trouve qu’on recule en matière de prévention. Les jeunes femmes d’aujourd’hui sont moins bien informées que celles d’hier", déplore-t-elle.
Zéro alcool pendant la grossesse
Le 9 septembre sera justement l’occasion de mieux informer les jeunes femmes sur les risques de la consommation d’alcool pendant la grossesse. À l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation au syndrome d’alcoolisation fœtale, Santé publique France lancera sa nouvelle campagne au message explicite : "Parce qu’aujourd’hui personne ne peut affirmer qu’un seul verre soit sans risque pour le bébé : par précaution, zéro alcool pendant la grossesse".
Pour mieux informer les femmes enceintes, Santé publique France propose aussi dès maintenant un numéro vert (0 980 980 930) et un site d’information. Son objectif : ne plus laisser les femmes enceintes face à leurs questions et à leurs inquiétudes mais aussi leur rappeler que le risque d’alcoolisation fœtale existe, et ce dès le premier verre.
Retrouvez l'intégralité de l'émission La Médecine au féminin de Sophie Lemonier :