Faiblesse des mains ou des cuisses et des épaules, atrophie musculaire, douleurs, handicap, fatigue… les maladies inflammatoires des muscles, ou myosites, constituent le plus important groupe de maladies des muscles potentiellement traitable. Pourtant, le caractère très hétérogène de ce groupe de maladies des muscles a longtemps constitué un obstacle à leur bonne prise en charge, voire a conduit à des erreurs de traitement.
L'équipe de l'Institut de Myologie à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, à Paris, a mis au point une nouvelle classification de ces myopathies inflammatoires. Désormais, les myosites sont regroupées en 4 catégories mieux individualisées par rapport aux classifications précédentes, en fonction des critères cliniques des patients. Cette classification, publiée dans la revue JAMA Neurology, et validée par la Food and Drug Administration, aux USA, ouvre la voie à une amélioration de leur diagnostic et de leur traitement.
Des maladies d’origine auto-immunes
Les myosites, ou myopathies inflammatoires, constituent un groupe de maladies auto-immunes touchant spécifiquement les muscles. A l’origine de faiblesse et d’atrophie de divers muscles, ces maladies sont provoquées par un dérèglement du système immunitaire, normalement chargé de protéger l'organisme contre des attaques extérieures (microbe, virus...), et qui se retourne brutalement contre l'organisme (et dans les myosites, contre le muscle).
Entre 3 000 et 5 000 adultes et enfants malades en France.
Si toutes les myosites ont en commun l’atteinte auto-immune, chacune a des facteurs de déclenchement qui lui sont propres. Jusqu'à présent, la classification identifiait 3 types de myosites (polymyosite, dermatomyosite, myosite à inclusions) en fonction d’un système de classification établi en 1975, mis à jour en 2017 (critères ACR/EULAR) et fondé essentiellement sur des critères cliniques et histologiques.
Erruers diagnostiques et thérapeutiques
Le Pr Olivier Benveniste et son équipe de recherche (« Myopathies inflammatoires et thérapies innovantes ciblées ») de l'Institut de Myologie, ont identifié des erreurs diagnostiques graves induites par cette ancienne classification, à la fois incomplète et non-homogène.
Ces difficultés diagnostiques sont graves car elles peuvent être à l’origine d’erreurs dans le traitement. Ainsi, certains malades, identifiés à tort comme « myosite à inclusions », ont ainsi été traités avec de fortes doses de corticoïdes, alors que ces derniers aggravent nettement ce type de myopathie.
Une nouvelle analyse en cluster
Une étude sur 260 patients a donc été mise en place pour analyser les caractéristiques cliniques et les auto-anticorps, qui peuvent être causes, mais aussi conséquences de la maladie.
Grâce à des méthodes statistiques innovantes qui permettent de regrouper automatiquement les malades qui se ressemblent (analyse en cluster), il a été possible d’identifier 4 grands types de myosites : « myosite à inclusions », « dermatomyosite », « myopathie nécrosante auto-immune » et « syndrome des anti-synthétases ». Désormais, les « polymyosites » ne constituent plus un type de myosite en tant que tel et disparaissent de la classification.
Individualisation du traitement
Cette nouvelle classification est déterminante pour poser un diagnostic plus précis et proposer aux malades un traitement plus adapté.
« Notre but était donc de définir une classification fondée sur des critères à la fois phénotypiques, biologiques et immunologiques afin de pouvoir mieux individualiser les différents types de myosites et de trouver, à terme, des traitements adaptés pour les malades.
Cette nouvelle classification devient une référence puisque même la FDA, qui utilisait jusqu'alors la classification américaine, recommande de se baser sur nos travaux, » explique le Pr Benveniste, de l'Institut de Myologie à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, à Paris.
Une nouvelle classification en 4 types de myosites
Myosite à inclusions
Cette myosite concerne plus souvent les hommes de plus de 60 ans. Elle est lentement progressive mais provoque, au final, un déficit moteur très handicapant.
Elle touche plus particulièrement les muscles des cuisses (qui servent à monter les escaliers, se relever d'une chaise, être stable à la marche), les quadriceps, les muscles qui servent à fermer et serrer les mains et les muscles de la déglutition. Le diagnostic est posé à l’examen histologique.
Cette myosite résiste aux traitements classiques comme les corticoïdes. Elle est due à la présence dans le muscle à la fois d'une réaction inflammatoire (la myosite) et d'un processus neuro-dégénératif, apparenté à la maladie d'Alzheimer (avec des inclusions).
Dermatomyosite
Cette forme touche plus souvent les femmes, mais également les enfants, et s'accompagne d'une atteinte de la peau. Un risque de cancer apparait chez les malades les plus âgés (généralement après 60 ans).
En dehors de la myosite qui entraine une faiblesse musculaire prédominant aux épaules, cette maladie est caractérisée par la présence de lésions dermatologiques typiques (érythème des paupières et des face d'extension de certaines articulations). Les anticorps spécifiques des dermatomyosites sont les anti-Mi2, anti-SAE, anti-NXP2, ou anti-TIF1gamma.
Cette maladie est due à un dérèglement du système immunitaire mettant en jeu l'interféron de type 1, qui permet normalement de se défendre contre les virus. De nouveaux traitements ciblant spécifiquement cette voie de l'interféron sont en cours de développement.
Myopathie nécrosante auto-immune
Elle consiste en une atteinte purement musculaire touchant les patients de tout âge.
Il s’agit de la myosite qui, en l'absence de traitement, conduit à l'atrophie musculaire la plus sévère et handicapante. Elle est liée à la présence de deux anticorps spécifiques, anti-SRP ou anti-HMGCR, qui attaquent et détruisent directement les muscles. Les anti-HMGCR peuvent apparaitre après la prise de statines.
Le traitement vise ici à faire disparaitre ces anticorps qui sont directement pathogènes, en attendant de trouver la cause de la production de ces anticorps.
Syndrome des anti-synthétases
Il s’agit d’une maladie générale qui touche les muscles mais aussi les articulations (rhumatisme inflammatoire chronique), ainsi que les poumons (avec un essoufflement qui peut être sévère au stade de la fibrose pulmonaire).
Ici aussi, certains anticorps semblent être directement impliqués dans les lésions de la maladie : anti-Jo1, anti-PL7 ou anti-PL12 (d’autres auto-anticorps sont également décrits).
Le traitement est immunosuppresseur et basé sur une association de corticoïdes et de méthotrexate ou d’azathioprine, en ayant conscience que les essais cliniques sont peu nombreux sur cette maladie.