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Rayons UV

Cancer, lupus : le problème de la crème solaire sur les peaux foncées

Par Charlotte Arce

Aux États-Unis comme en France, les fabricants de crème solaire peinent à fabriquer des produits esthétiquement compatibles avec les peaux non-blanches. Et cela n’est pas sans conséquences : outre-Atlantique, les femmes afro-américaines boudent la crème solaire, ce qui les rend vulnérables face au cancer de la peau ou au lupus. 

kzenon/iStock

À quand la mise sur le marché de crèmes solaires pour peaux non-blanches ? C’est, en substance, la question que pose The Atlantic dans un article publié cette semaine, et repéré par Slate.fr. Car, rappelle le média américain, cela a évidemment des conséquences. Il commence par rappeler qu’outre-Atlantique, les Américains dans leur ensemble n’utilisent pas suffisamment de crème solaire pour se protéger des rayons UV nocifs du soleil. Et c’est particulièrement le cas chez les Américains de couleur.

Le lupus, particulièrement fréquent chez les femmes de couleur

Pourtant, rappelle The Atlantic, appliquer de la crème solaire sur sa peau, et ce même quand ce n’est pas l’été, présente de nombreux avantages : elle atténue les cicatrices d’acné et surtout elle évite les conditions aggravées par le soleil, notamment le lupus, particulièrement fréquent chez les femmes de couleur. La crème solaire protège par ailleurs la peau photosensible à cause de la prise de certains médicaments, y compris ceux pour soigner l’hypertension.

Et évidemment, la crème solaire diminue fortement le risque de développer un cancer de la peau à cause des rayons UV. Mais cela n’incite malheureusement pas les femmes à la peau noire ou métisse à en appliquer régulièrement. Résultat, si le cancer de la peau est plus répandu chez les blancs que chez les personnes de couleur, les Afro-Américains ont moins de chances de survie, car leur cancer est diagnostiqué trop tardivement.

Des crèmes qui laissent des marques sur les peaux noires

Comment expliquer cette réticence chez les personnes de couleur à utiliser de la crème solaire ? Il y a d’abord la croyance, évidemment erronée, que les peaux foncées ont moins besoin de se protéger que les peaux blanches, mais ce n’est pas l’unique explication.

En réalité, si les femmes et les hommes à la peau noire ne mettent pas de crème solaire, c’est que les produits disponibles sur le marché ne sont pas adaptés à leur carnation. Sur YouTube fleurissent ainsi des vidéos où l’on voit des jeunes femmes à la peau noire ou métissée s’appliquer différentes crèmes solaires. À chaque fois, c’est le même problème : sur leur peau, la crème laisse des marques blanchâtres, mais aussi parfois bleues, violettes ou vertes. La faute aux écrans solaires chimiques utilisés par les industriels afin de bloquer les rayons ultraviolets A et B. Quant à la crème solaire avec écran physique, qui contient des composés blancs insolubles dans l’eau comme l’oxyde de zinc et le dioxyde de titane, elle s’accompagne immanquablement de traces blanches bien visibles sur la peau.

Réaction allergique

Et malheureusement, ce n’est pas près de changer. Pour que leurs produits soient certifiés à large spectre aux États-Unis, les sociétés de protection solaire doivent prouver à la Food and Drug Administration (FDA) que leur crème solaire peut bloquer les rayons UVA et UVB. En conséquence, beaucoup utilisent des ingrédients physiques, qui sont moins susceptibles de provoquer une réaction allergique.

Le problème, note The Atlantic, c’est que la FDA considère la protection solaire non pas comme un cosmétique, mais comme un médicament : les sociétés américaines sont donc particulièrement limitées dans leurs choix d’ingrédients protecteurs, qu’ils soient chimiques ou physiques.

Des préjugés raciaux bien ancrés

La FDA a été critiquée pour sa lenteur à approuver de nouveaux ingrédients, en particulier par rapport aux pays asiatiques et européens. Quant aux industriels, ils ne prennent pas encore suffisamment en considération les arguments esthétiques. "La protection solaire vise à prévenir le cancer de la peau. Ils mesurent le succès non pas par son apparence, mais par la façon dont il prévient le cancer de la peau ou les coups de soleil", explique ainsi le Pr Ginette Okoye, directrice du service de dermatologie à l'hôpital universitaire de Howard.

Pour Shontay Lundy, fondatrice de la marque Black Girl Sunscreen, ce sont aussi les préjugés raciaux qui bloquent les industriels et qui excluent du marché toute une partie de la population américaine. "Les grandes entreprises n’ont jamais pensé que les gens de couleur dépenseraient leur argent en crème solaire, car ils pensent que les gens de couleur ont une mentalité de 'noir qui ne craque pas'" avance-t-elle.

Heureusement pour les personnes à la peau non-blanche, certaines entreprises plus inclusives ont fait ces dernières années leur apparition sur le marché de la crème solaire. C’est le cas de Black Girl Sunscreen, qui conçoit des écrans solaires spécifiquement pour les femmes noires, ou encore de Bolden USA. Des grandes entreprises traditionnelles, telles que CeraVe, Banana Boat et Supergoop! leur ont emboîté le pas en proposant des produits plus adaptés pour peaux noires et métisses. Mais ces dernières innovations en matière de protection solaire restent encore très coûteuses (plus de 20 dollars le tube) et ne sont pas encore vendues en pharmacie.