L'Agence du médicament a adressé des recommandations aux patients et aux professionnels de santé concernant l’Androcur, médicament qui augmente le risque de certaines tumeurs en cas de traitement long et à hautes doses.
Un numéro vert pour "répondre aux interrogations" des patients traités a notamment été mis en place. "Ce numéro (0 805 04 01 10) est accessible gratuitement du lundi au vendredi de 9h à 19h", indique l'ANSM. Les patients sont aussi invités "à consulter leur médecin, sans urgence, pour discuter de l'intérêt de la poursuite de leur traitement et évaluer la réalisation d'éventuels examens complémentaires".
#Androcur et risque de méningiome: Mise en place d’un numéro vert pour répondre aux interrogations des patients ou de leur entourage
— ANSM (@ansm) 20 septembre 2018
?? Plus d'informations: https://t.co/jvaQZsKG6p pic.twitter.com/t2oxw812iR
Après les pilules de 3e et de 4e génération, c’est au tour de l’Androcur® de faire l’objet d’une nouvelle crise du médicament, voire d'un futur scandale sanitaire. Grâce à l'acharnement de neurochirurgiens qui ont fait assez tôt le lien entre ce médicament et l'augmentation du risque de méningiome (il y a 10 ans quand même !), une enquête a été menée par l'ANSM et celle-ci révèle que cet anti-androgène assez couramment prescrit hors AMM comme contraceptif ou traitement contre l’acné et l'endométriose, multiplie par 7 le risque de méningiome au bout de 6 mois et par 20 au-delà de 5 ans de traitement.
Un risque de méningiome multiplié par 20
Sur son site Internet, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) reconnaît que depuis 2009, "l’acétate de cyprotérone fait l’objet d’une surveillance particulière suite au signal émis par la France au niveau européen sur le risque d’apparition de méningiome. L’évaluation de ce signal par l’Agence européenne des médicaments (EMA) a conduit à faire figurer ce risque dans la notice du médicament en 2011".
Selon une étude pharmaco-épidémiologique menée par l’Assurance maladie en collaboration avec le service de neurochirurgie de Lariboisière, le risque de méningiome est multiplié par 7 pour les femmes traitées par de fortes doses sur une longue période (plus de 6 mois) et par 20 après 5 années de traitement. Il existe, en effet, une forte relation entre la dose et l’effet, le risque étant multiplié par plus de 20 au-delà d’une dose cumulée de 60 g, soit environ 5 ans de traitement à 50 mg/j ou 10 ans de traitement à 25 mg/j (lorsque le traitement est pris 20 jours par mois).
Des chiffres qui pourraient être sous-estimés: les médecins ne retirent pas toujours les tumeurs, car certaines peuvent régresser après l'arrêt du traitement et d'autres peuvent passer longtemps inaperçues. Selon l’étude de l’Assurance maladie, plus de 500 femmes prenant de l'Androcur ou un de ses génériques ont subi une intervention pour un méningiome entre 2007 et 2015.
Un anti-androgène surtout prescrit "hors-AMM"
Appartenant à la classe des anti-androgènes stéroïdiens, l'acétate de cyprotérone, le principe actif de l’Androcur, est utilisé normalement pour traiter le cancer de la prostate ou les hirsutismes, un développement extrême de la pilosité, à la dose de 50 mg par jour. Par ailleurs, l'acétate de cyprotérone est indiqué à la dose de 100 mg par jour dans le traitement des paraphilies. Mais ce n’est pas son seul usage.
L'Androcur et ses génériques sont régulièrement prescrits aux femmes souffrant d’acné rebelle, d’endométriose ou en guise de contraception (en particulier en cas d'hyperandrogénie). Pourtant, l’Androcur n’a jamais reçu de validation de ces trois dernières indications de la part des autorités de santé (autorisation de mise sur le marché ou "AMM"): ce sont des prescriptions "hors-AMM", c'est-à-dire non-validées, même si quelques publications scientifiques permettent aux médecins de penser que l'acétate de cyprotérone y est efficace.
Un scandale plus qu'un problème
Les risques concernant le médicament sont connus depuis longtemps (2008), les médecins informent déjà les malades mais il pourra toujours leur être reproché de ne pas en faire assez, et surtout que la majorité des prescriptions semblent être hors-AMM. Déjà, de nombreuses voix s'élèvent pour demander pourquoi l'Androcur® et ses génériques ont continué à être prescrits à des patientes sur le long terme pour des acnés "avec plus ou moins de poils".
Dans une enquête citée par la HAS en 2012 (enquête IMS), lors du renouvellement du remboursement, l'hirsutisme et le cancer de la prostate ne représentaient que 30% des prescriptions ! Les chiffres peuvent avoir changé, mais il serait bien qu'on nous les fournissent.
L’Androcur fait l'objet d'une surveillance particulière depuis 2009 par l’EMA et la notification du risque de méningiome est sur la notice du médicament, avec une contre-indication en cas d'antécédent ou de présence d'un méningiome. En terme d'information patient, c'est ce qui est considéré comme le minimum !
Un scandale qui suit celui de la pilule Diane 35®
Enfin, l'acétate de cyprotérone est le principe qui est aussi contenu dans la pilule Diane 35®, pilule qui avait défrayé la chronique en raison d'une augmentation des risques de phlébite et d'embolie pulmonaire, voire d'accident vasculaire cérébral.
Des études ont montré que le risque thromboembolique veineux est 1,5 à 2 fois plus important chez les utilisatrices de Diane et des pilules de 3e et 4e génération que chez les utilisatrices de contraceptifs oraux combinés (COC) contenant du lévonorgestrel. De ce point de vue, le risque thrombo-embolique sous Androcur® est clairement signalé dans la notice, mais certaines études et revues bibliographiques énoncent que le risque thrombo-embolique serait plus faible.
Les "patients et les professionnels de santé peuvent déclarer tout effet indésirable suspecté d’être lié à un médicament, directement sur le portail de déclaration du ministère en charge de la santé" : signalement-sante.gouv.fr
Un numéro vert, 0 805 04 01 10 est désormais en place pour "répondre aux interrogations des patientes"... et essayer de désarmorcer la crise.