"Prenez-vous de l'Androcur ?" Oui. "Arrêtez immédiatement." La Dépêche rapporte ce lundi, l'histoire de Catherine Gayrard, pharmacienne biologiste albigeoise de 53 ans, qui a vu sa vie basculer après avoir pris de l'Androcur pendant dix ans pour traiter des kystes ovariens.
Prescrit à des milliers de femmes depuis les années 80 comme contraceptif ou traitement contre l’acné par les laboratoires Bayer, ce progestatif est aujourd’hui accusé d’augmenter fortement le risque de méningiome, une tumeur cérébrale généralement bénigne mais pouvant occasionner de graves séquelles comme des troubles de la mémoire, de l’épilepsie ou une perte du goût et de l’odorat. Appartenant à la classe des antiandrogènes stéroïdiens, l’Androcur est aussi utilisé pour traiter le cancer de la prostate à un niveau avancé et l’hirsutisme chez la femme, un développement extrême de la pilosité.
Huit tumeurs cérébrales découvertes
Alors qu'elle se promenait à pied, Catherine Gayrard raconte s'être brusquement mise à courir. "J'ai perdu le contrôle de mes jambes, avec des troubles de la parole". Elle venait de faire un œdème cérébral. La cinquantenaire se réveille deux jours plus tard à l'hôpital, son neurochirurgien la questionne : "Prenez-vous de l'Androcur ?" Oui. "Arrêtez immédiatement." Au cours d'examens, les médecins lui découvrent huit tumeurs cérébrales dont trois de la taille d'une balle de ping pong.
L'une d'elles lui est retirée trois semaines plus tard, mais Catherine Gayrard vit depuis un an et demi avec sept méningiomes. Depuis qu'elle a cessé de prendre de l'Androcur cependant, leurs tailles n'ont pas évolué. "Lors de mon IRM en avril dernier, il n'y avait eu aucun changement, ce qui me conforte dans l'hypothèse que l'Androcur est responsable de ce qui m'est arrivé." Aujourd'hui, elle souffre d'acouphènes, de troubles de la mémoire, de concentration et d'une fatigue chronique. Catherine Gayrard ne voyage plus, ne conduit plus : "Quand je rentre du travail, le plus souvent, je vais directement me coucher. Ma vie a complètement changé."
L'Androcur multiplie le risque de méningiome par 7 à 20
Prescrit à 80% des femmes (57 000 en 2017, selon l’Assurance maladie), l’Androcur est en effet soupçonné de multiplier par 7 à 20 le risque de méningiome selon la durée du traitement. Sur son site Internet, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) reconnaît que depuis 2009, "l’acétate de cyprotérone fait l’objet d’une surveillance particulière suite au signal émis par la France au niveau européen sur le risque d’apparition de méningiome. L’évaluation de ce signal par l’Agence européenne des médicaments (EMA) a conduit à faire figurer ce risque dans la notice du médicament en 2011".
Un numéro vert a été mis en place et est accessible du lundi au vendredi de 9 heures à 19 heures : 805 040 110. La ministre de la Santé Agnès Buzyn a recommandé aux patients traités par Androcur de se rapprocher au plus vite de leur médecin généraliste.
De son côté, l’ANSM a créé au mois de juin "un comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) qui a pour objectif de discuter des conditions d’utilisation et de prescription de ces médicaments afin de limiter ce risque". De nouvelles recommandations élaborées avec les professionnels de santé devraient être émises "d’ici la fin de l’année".