Au cours des dix dernières années, le nombre de femmes non-ménopausées touchées par un infarctus du myocarde a explosé : plus 25%, selon la Société Française de Cardiologie.
Selon les chiffres dévoilés par l’organisation de recherche scientifique, une femme a aujourd’hui quatre fois plus de risques de mourir d’une maladie cardiovasculaire que d’un cancer du sein. Une augmentation inquiétante et fulgurante que la communauté scientifique peine pourtant à expliquer.
"Nos études montrent que le nombre de décès des femmes non ménopausées avait augmenté de 25% environ", explique à 20Minutes Martine Gilard, professeure de cardiologie au CHU de Brest et présidente de la Société française de cardiologie. "C’est très compliqué d’expliquer pourquoi, et c’est pour cela qu’il faut lancer un projet de recherche."
Un appel à projets sur l’infarctus des femmes
Financer un projet de recherche : c’est tout l’objet de l’appel aux dons lancé fin septembre par la Fondation cœur & recherche. Appuyée par la Société Française de cardiologie, elle espère récolter 150 000 euros afin de lancer, en septembre 2019, un appel à projet pour comprendre mais aussi enrayer la progression des infarctus du myocarde chez les jeunes femmes.
Les projets proposés feront l’objet d’une élection rigoureuse effectuée par les experts issus du conseil scientifique de la fondation Cœur & Recherche et le choix définitif sera validé par le conseil d’administration de la fondation. Le projet sélectionné sera quant à lui lancé en janvier 2020 lors des Journées européennes de cardiologie.
En finir avec les préjugés sexistes
Car il y a urgence à agir. Jusqu’ici, reconnaît elle-même la Société française de cardiologie, les femmes non-ménopausées n’étaient tout simplement pas incluses dans les essais menés par la recherche scientifique.
La faute aux préjugés de genre qui a longtemps dominé dans la médecine moderne et qui ignorait ou minimisant la douleur des femmes. "Si un homme se plaint d’une douleur dans la poitrine, sa femme appelle le Samu, tandis que, si c’est une femme, on va lui dire d’aller se reposer. On est toutes persuadées qu’on est protégées par nos hormones…", explique Martine Giard.
D’où, aujourd’hui, la méconnaissance partielle des facteurs de risques par les femmes elles-mêmes, mais aussi par les médecins. Certes, certaines pistes sont évoquées, comme le tabagisme, la sédentarité, le stress ou le surpoids. Mais toutes restent encore à être étudiées, tout comme peut l’être, par exemple, les conséquences de la pilule contraceptive sur l’augmentation des infarctus. "Ce n’est pas un facteur à lui seul, mais si la patiente sous pilule fume et a dans sa famille des personnes qui ont souffert de maladie cardiaque, pourquoi pas, répond la cardiologue. De toute façon, tout sera exploré."
Un facteur intéresse particulièrement les médecins, celui d’une possible fragilité coronarienne féminine : "Les avancées de l’imagerie nous ont permis de découvrir un autre type d’infarctus, qu’on appelle une dissection, quand la paroi de l’artère se divise", souligne Martine Gilard, qui précise que cette pathologie touche davantage les femmes que les hommes. Plus précisément, il s'agit d'une fragilité de la paroi des artères coronariennes chez la femme, qui peut se déchirer et se remplir de sang, ce qui bouche la lumière de l'artère.
Reste une autre piste, sérieuse : celle selon laquelle les femmes ne sont pas davantage victimes d’infarctus du myocarde qu’auparavant. C’est juste qu’elles sont mieux diagnostiquées. "On a commencé à éduquer nos médecins", avance Martine Gilard. "Il y a donc plus de prises en charge des infarctus à l’hôpital de ces femmes."
Mieux connaître les symptômes de l’infarctus
Mais cette prise en charge plus précoce des femmes doit aussi s’accompagner d’une meilleure prévention et d’une meilleure connaissance des symptômes de l’infarctus.
En 2016, la Fédération française de cardiologie avait mené une campagne pour sensibiliser les femmes aux symptômes spécifiques de l’infarctus : épuisement persistant, essoufflement à l’effort et parfois au repos, nausées, difficultés à respirer.
L'organisation de recherche rappelait aussi que "chez une femme, l’infarctus ne se manifeste pas toujours comme chez un homme".
"Les femmes ont tendance à sous-estimer la douleur. La plupart du temps, elles négligent ces manifestations, les associant à tort au stress, à la fatigue ou même à des problèmes digestifs", expliquait la Fédération.
D’où la nécessité de mieux se familiariser avec les symptômes de l’infarctus et les bons gestes à appliquer. "Dans 90 % des cas, un infarctus provoque une douleur dans le thorax, diffuse, qui peut remonter jusqu’au bras, au dos, à la mâchoire, associée à une grande angoisse et un essoufflement. Et, dans 8 à 10 % des cas, les patients ressentent une grande fatigue et des nausées", détaille Martine Gilard. À la moindre apparition de ces symptômes, un geste à avoir : appeler le Samu pour une prise en charge immédiate.