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Médecine légale

L'autopsie virtuelle fait parler les corps sans les mutiler

Par Cécile Coumau

Grâce à l'IRM et au scanner, réaliser une autopsie sans scalpel est devenu possible. La technique de la virtaupsie permet parfois de mettre le nom sur l'auteur du crime.

SUPERSTOCK/SIPA
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Les scénaristes de séries policières vont sans doute devoir revoir leur copie. Et notamment ceux de «a» dont l’héroïne est une brillante neuro-chirurgienne reconvertie en médecin légiste, qui n'a pas son pareil pour faire parler les corps des victimes. Les scènes d’autopsie pourraient en effet devenir ringardes à cause du développement de l’autopsie virtuelle, appelée aussi « virtaupsie ». 


Cette technique consiste à autopsier un corps sans utiliser le moindre scalpel, mais en découpant le corps en tranches virtuelles, grâce aux techniques d’imagerie tels que le scanner et l’IRM. Née en 1998 aux Etats-Unis, la virtaupsie s’est ensuite développée en Suisse au début des années 2000 et n’est arrivée que quelques années plus tard en France. « Je suis absolument certain que dans bon nombre d’affaires connues auraient, l’autopsie virtuelle aurait pu modifier le cours de la justice, affirme le Dr Bernard Marc, médecin légiste et responsable des urgences médico-judiciaires au centre hospitalier de Marne-la-Vallée. Pour la médecine légale, c’est une étape aussi importante que l’ADN dans le  milieu des années 80. »


Selon une étude publiée le 15 mai dans Le Lancet, l’autopsie réalisée par IRM faisait jeu égal avec la bonne vieille autopsie traditionnelle. Dans 92% des cas, les causes identifiées du décès chez des enfants de 1 à 16 ans étaient identiques avec les deux techniques. Si la toute jeune « virtopsy » se montrait aussi performante d’un point de vue technique, elle avait un avantage sur sa grande sœur : elle était mieux acceptée par les parents puisque le corps de leur enfant restait intact. Or, les auteurs de l’étude soulignent qu’en Grande-Bretagne, le taux de parents acceptant une autopsie n’a cessé de chuter ces dernières années. Il est passé de 55% à 45% pour les fœtus, et de 28% à 21% pour les nouveaux-nés.


Ecoutez le Dr Bernard Marc, médecin légiste au centre hospitalier de Marne-la-Vallée : "Avec la virtaupsie, on peut tout voir à l'intérieur et on laisse le corps sans la moindre effraction".


L’autopsie virtuelle présente aussi des avantages lorsqu’il s’agit de déterminer les causes d’un décès suite à un accident de la route. Par exemple, chez un corps percuté par un véhicule, l’examen clinique ne permet pas de dire s’il y a une contusion pulmonaire ou encore une dissection aortique… Le seul examen clinique, la palpation permettent simplement de conclure qu’il y a eu un traumatisme thoracique. « L’autopsie virtuelle permet d’aller plus loin et de guider l’autopsie traditionnellement, qui sera pratiquée dans un second temps », explique le Dr Bernard Marc. Car, dans la majorité des cas, autopsies traditionnelle et virtuelle sont complémentaires.

Les coupes de scanner qui peuvent être de 0,5mm permettent de guider le geste du médecin légiste. Une aide particulièrement précieuse lorsqu’il y a des plaies par balle et que l’autopsie est demandée par la justice.


Ecoutez le Dr Bernard Marc : "Retrouver un projectile qui va se répandre en multiples petits fragments dans le corps, c'est extrêment difficile. Avec la virtaupsie, on peut retrouver le trajet du projectile et calculer l'angle de tir."



Ne pas toucher au corps, le laisser en parfait état, n’a pas d’intérêt que pour les proches de la victime. Cela peut aussi concourir à la fameuse manifestation de la vérité. En effet, certaines affaires judiciaires peuvent être rouvertes par la justice parce que des faits nouveaux sont intervenus, ou certains décès accidentels peuvent prendre un aspect criminel après que des témoins aient parlé. Dans ce cas, l’autopsie virtuelle peut être reprise à la lumière des nouveaux éléments. « La solution ancienne, c’était l’exhumation du corps… encore faut-il qu’il n’ait pas été incinéré, relate le Dr Marc. Mais, de toute façon, cela n’apporte que très peu d’éléments. Avec la virtaupsie, on a une image intacte, sur laquelle on va pouvoir discuter. Et on peut partager nos hypothèses avec des confrères à l’autre bout du monde. L’IRM et le scanner permettent même de réaliser des gestes incroyables, comme ôter virtuellement les os du crâne pour pouvoir regarder l’enveloppe encéphalique, » s’enthousiasme le responsable des urgences médico-judiciaires au centre hospitalier de Marne-la-Vallée.


Bien sûr, cette technique a un inconvénient non négligeable. Une autopsie virtuelle coûterait 300 euros de plus qu’une autopsie traditionnelle, or les deux sont souvent nécessaires. Par ailleurs, l’accès à un scanner ou un appareil à IRM n’est pas évident. Les services de médecine légale, en France, ne disposent de matériel dédié. Enfin, médecins légistes et radiologues ont encore besoin de se former à cette technique. « Aujourd’hui, la virtaupsie rentre tout doucement dans les enseignements de médecine légale, et 20 à 30% des autopsies sont aujourd’hui réalisées aussi virtuellement », estime le Dr Marc.