"Pendant les vacances d’été, j’ai consommé presque de tout, parfois plusieurs fois par semaine : MDMA, cocaïne, kétamine, LSD…" A 18 ans, Kévin* a fait sa rentrée à Assas. Pour suivre les cours de la prestigieuse université, le jeune Parisien a décidé de lever le pied sur sa prise de stupéfiants. Une fois par mois serait l’idéal. "J’ai commencé à 16 ans, avec un groupe d’amis. On a débuté par de la MDMA, juste pour tester. Mais c’est une expérience tellement incroyable qu’on en a tous repris", nous raconte-t-il.
Comme lui, 3% des 14-17 ans déclarent avoir déjà consommé des drogues festives comme de la MDMA (synonyme d’ecstasy, NDLR), de la cocaïne ou du GHB, selon une vaste enquête réalisée auprès de 1000 jeunes Français* par la Fondation pour l’innovation politique, le Fonds actions addictions et la fondation Gabriel-Péri. La proportion grimpe à 5% parmi les 18-24 ans. Dans cette classe d’âge, ils sont 3% à en consommer au moins une fois par semaine. "L'augmentation de la consommation des drogues festives, qui double par rapport aux résultats habituels, suscite une inquiétude particulière", estime, à juste titre, le président du Fonds Actions Addictions, Michel Reynaud.
Des écarts significatifs entre milieu rural et milieu urbain
Comme pour le cannabis, il existe des écarts significatifs entre milieu rural et milieu urbain. 2% des jeunes vivant à la campagne ont déjà testé ces toxiques, alors qu’ils sont 4% dans les villes de plus de 100 000 habitants et 10% en agglomération parisienne.
"Je suis effectivement de plus en plus de jeunes adultes et des adolescents aux prises avec ce type de drogues", confirme Jean-Victor Blanc, psychiatre spécialisé dans le soin apporté aux générations Y et Z (hôpital Saint Antoine, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris). "Cependant, cette enquête mélange toutes les drogues festives, alors qu’elles ne sont pas consommées par les mêmes populations". Le GHB est plus prisé par les milieux gays. La cocaïne, beaucoup plus chère et consommée dans les circuits traditionnels, reste marginale.
"Plus vous en consommez, plus les descentes sont horribles"
La MDMA, plus communément appelée "MD", a quant à elle migré des rave party aux cours de récréation des lycées, voire des collèges. Très bon marché, facile d’accès, elle a les mêmes effets désinhibiteurs que l’alcool, couplés à une stimulation physique intense, capable de gommer les effets de la fatigue jusqu’au petit matin. Un cachet vaut autour de 10 euros. "Vous pouvez tout simplement en trouver à Gare de Lyon", témoigne Kévin. "Le problème de cette drogue, c’est qu’il faut vite en consommer de plus en plus pour en ressentir les effets. Et plus vous en consommez, plus les descentes sont horribles. On peut aussi avoir des vomissements très violents", avertit-il. Les lendemains de fête, le jeune homme peut ainsi rester assis sur son lit pendant des heures, en fixant le mur. "On a mal partout. Moralement, on est au fond du trou. Sur le long terme, je sens aussi que ça impacte mon cerveau, ma mémoire, ma façon de réfléchir", décrit-il.
Même à très faible dose, cette drogue agit négativement sur l’activité des neurotransmetteurs, qui permettent aux cellules nerveuses du cerveau de communiquer entre elles. Celles qui contiennent de la sérotonine peuvent être aussi endommagées de manière irréversible. Par ailleurs, la libération de noradrénaline serait à l’origine de l’augmentation de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque.
"Le plus grand danger réside dans la poly-consommation"
Agitation, déshydratation, irritabilité, perte d’appétit, insomnies, plaisir et intérêt pour le sexe réduits, frissons, crampes musculaires, crispation involontaire de la mâchoire, vision floue, grincements de dent, insuffisance rénale, augmentation de la température corporelle et transpiration abondante font aussi partie des effets secondaires, qui peuvent se manifester jusqu’à une semaine après la prise. Dans les cas les plus graves, les "descentes" peuvent conduire à des tentatives de suicide, et l’overdose à la mort.
"L’overdose d’ecstasy reste vraiment marginale par rapport au nombre de consommateurs. Le plus grand danger réside dans la poly-consommation, c’est-à-dire le fait de consommer aussi de l’alcool et du cannabis dans la même soirée. C’est d’ailleurs le type de profil le plus courant chez ces jeunes", indique le docteur Jean-Victor Blanc. "Dès que l’envie de prendre des drogues festives devient systématique, à chaque soirée, il faut consulter. Un ado qui a de violents accès dépressifs doit aussi alerter les parents", insiste le professionnel.
Si Kévin évite de consommer de l’alcool quand il prend des drogues dures, il est en revanche un gros consommateur de cannabis, qu’il fume au quotidien, presque comme des cigarettes. Pour lui, le plus important est que les jeunes sachent à quoi s’attendre. "L’Etat français fait comme si ces drogues n’existaient pas. Je ne dis pas que c’est devenu comme le cannabis, mais des jeunes de 14 ans sous prod (expression pour désigner la prise de drogues dures, NDLR), j’en ai déjà vus. Comme ils ne connaissent pas les effets, ils ne savent pas gérer et finissent dans des états pas possibles, en pleurs, sans personne pour les aider. Pour moi, c’est eux qu’il faut protéger en priorité", conclut le jeune homme, avec pragmatisme.
Si vous êtes concerné(e) directement ou indirectement par une consommation de drogues, n'hésitez pas à appeler Drogues info service au 0 800 23 13 13, ou à vous rendre dans un centre de soins spécialisé, comme les Consultations Jeunes Consommateurs.
*Le prénom a été modifié.