Une bactérie potentiellement mortelle pour l’homme capable d’éliminer les cellules cancéreuses. Voici l’objet d’un essai clinique de phase 1 mené par des chercheurs du MD Anderson Cancer Center de l'Université du Texas, à Houston. Présenté lors du de la quatrième Conférence internationale CRI. CIMT-EATI-AACR sur l'immunothérapie du cancer qui se déroule actuellement à New York, les résultats de l’essai clinique sont prometteurs.
Les chercheurs se sont en effet aperçus qu’injectée dans une tumeur cancéreuse, la bactérie Clostridium novyi-NT était capable d’attaquer directement les cellules malignes et de stimuler les défenses immunitaires de l’organisme contre elles.
Stimuler la réponse immunitaire de l’organisme
Jusqu’ici pourtant, la bactérie Clostridium novyi-NT était avant tout considérée comme dangereuse. Susceptible de provoquer une gangrène gazeuse et une septicémie si l’infection se répand dans la plaie, la bactérie a notamment causé la mort de plusieurs toxicomanes en 2000.
Dans cet essai clinique toutefois, la souche de Clostridium novyi-NT a été affaiblie pour l'empêcher de produire sa toxine. Désormais considérée comme "non-toxique", la bactérie a été injectée entre novembre 2013 et avril 2017 à 24 patients atteints de tumeurs solides réfractaires au traitement : 15 d’entre eux avaient un sarcome, 7 présentaient divers carcinomes et 2 patients avaient un mélanome. Les tumeurs ont été visées avec une dose unique de Clostridium novyi-NT allant de 10 000 à 3 millions de spores. Contaminés par l’infection bactérienne pendant une semaine, les patients ont ensuite reçu des antibiotiques pour tuer la bactérie, précisent les chercheurs.
Bien que limités à quelques patients, les résultats de l’essai sont prometteurs. Selon le Pr Filip Janku, principal auteur de l’étude, les bactéries ont germé dans les cellules cancéreuses de 11 des 24 patients, ce qui a entraîné la mort des cellules tumorales. Par ailleurs, un rétrécissement de la tumeur supérieur à 10% a été observé chez 23% des patients. Cependant, affirme le Pr Janku, il s’agit peut-être d’une sous-estimation puisque l'infection provoque l'inflammation des tissus environnants, ce qui rend la lésion plus grande qu'elle ne l'est réellement.
Après ce traitement bactérien, le cancer s'est stabilisé chez 21 patients. Lorsque les deux lésions injectées et non injectées étaient incluses, le taux de maladie stable était de 86%, ont rapporté les chercheurs.
Une destruction de la tumeur
Pour les chercheurs, c’est une excellente nouvelle. "Malgré l'absence de signes cliniques de germination chez certains patients, nous avons constaté une amélioration des réponses immunitaires spécifiques à la tumeur par l'augmentation de la sécrétion de cytokines T et l'augmentation de la présence de lymphocytes infiltrant les tumeurs", a noté Janku. "À partir de ces résultats préliminaires, il semble que Clostridium novyi-NT soit capable d’activer la réponse immunitaire en plus de provoquer la destruction de la tumeur."
"C'est là que réside la promesse de ce type de thérapie. On pourrait s'attendre à ce que la lésion injectée ait un certain type de réponse parce que vous perturbez les cellules tumorales. Ce qui serait intéressant, c'est que cela puisse déclencher une réponse immunitaire qui pourrait éventuellement prendre en charge les tumeurs non injectées. C'est le Saint Graal de l'immunothérapie", s’est réjoui Sacha Gnjatic, directeur adjoint du Human Immune Monitoring Centre au Mount Sinai, à New York.
Désormais, les chercheurs sont passés à la phase suivante, dans laquelle les patients prenant le médicament d'immunothérapie pembrolizumab (Keytruda) seront également traités avec une injection unique de Clostridium novyi-NT. Selon eux, ces deux traitements utilisés en association créeront une forte réponse immunitaire contre les cancers.