L'année dernière, en raison des mauvaises conditions météo, l'épidémie de grippe a été exceptionnellement prolongée, avec 2 virus en circulation qui se sont relayés pour arriver à porter les décès en France au-delà ds 17 000 morts. C'est comme si une petite ville avait été rayée de la carte. Mais cela ne semble émouvoir personne car, à part quelques cas emblématiques d'enfants décédés brutalement et de mise en cause des urgences, la plupart des morts surviennent chez des personnes déjà malades (pour beaucoup c'est "normal" qu'un cardiaque meure d'un infarctus) et en particulier les personnes âgées.
A l'occasion du lancement de la campagne de la vaccination contre la grippe, Pourquoi Docteur a essayé de rassembler quelques informations indispensables pour vous aider à prendre conscience de la gravité générale de cette infection. Même si on ne le veut pas, nous sommes tous concernés, soit parce que nous risquons d'en pâtir, soit parce que nous risquons de la transmettre à quelqu'un qui un pâtira, voire en mourra. Et vous pouvez aimer cette personne.
Une mortalité sous-estimée
La mortalité liée à la grippe saisonnière est tout particulièrement associée aux décompensation d'un état de santé fragile et aux surinfections respiratoires, en particulier chez les personnes âgées, mais elle touche aussi les nourrissons et les femmes enceintes. Dans certains cas, rares, elle peut tuer un adulte ou en enfant en bonne santé en lui détruisant en quelques jours ses voies respiratoires. Elle dépasse classiquement les 600 000 décès annuels dans le monde.
Chez les personnes fragiles (personnes âgées, immunodéprimés, femmes enceintes, nourrisson…) ou ayant une maladie chronique (diabète, insuffisance cardiaque, respiratoire ou rénale…), la grippe est moins bien supportée, elle est souvent plus sévère et des complications peuvent survenir : une infection pulmonaire bactérienne grave (la « pneumonie ») ou une décompensation d’une maladie chronique préexistante (diabète, insuffisance respiratoire, cardiaque ou rénale…) qui conduisent à une hospitalisation et parfois, malheureusement, au décès prématuré.
La grippe augmente le risque d'infarctus
Les risques de crise cardiaque (infarctus du myocarde) sont multipliés par 6 au cours des sept premiers jours suivant la déclaration d’une infection avérée avec un virus de la grippe. Le lien de cause à effet, qui était jusqu'ici suspecté, a été confirmé dans une étude basée sur le diagnostic virologique de la grippe. Et cela ne concerne pas que les personnes âgées.
La raison du lien avec la grippe n'a pas été étudiée dans cette étude, mais dans d'autres travaux publiés auparavant. Dans un contexte d'athérosclérose, c'est-à-dire le lésions étendues de la paroi interne des artères (plaques d'athérosclérose), l'infection grippale conduit à un état inflammatoire qui renforce la capacité des plaquettes circulant dans le sang à se coaguler pour former un caillot sur une plaque qui normalement ne donnerait rien. Ce caillot peut alors brutalement boucher une artère coronaire et provoquer un infarctus du myocarde.
Il est difficile de savoir si on a la grippe
De nombreux virus respiratoires différents de la grippe circulent à la même période que le virus grippal (nombreux rhinovirus en particulier) et ils peuvent provoquer des signes très similaires à ceux de la grippe, ou plutôt, la grippe peut simuler un banal rhume mais par contre elle peut alors contaminer et rendre malade une personne fragile et les jeunes enfants qui font aussi partie des personnes fragiles, de même que les femmes enceintes et toutes les personnes qui prennent des médicament immunosupresseurs....
Beaucoup de gens disent « être grippés » dès qu'ils souffrent d’une fièvre avec angine et toux...) et il est difficile de faire la part des « vraies » et « fausses » grippes sans un prélèvement de gorge pour analyse virale (qui n’est pas systématique). En cas de grippe typique, par contre, il y a deux choses qui ne trompent pas. La vraie grippe rend ceux qui en souffrent très malades, même les biens portants. L'apparition brutale des signes ainsi que la grande fatigue physique et musculaire qui l'accompagne sont en faveur de la grippe. Si une infection de ce type survient en période d’épidémie, c’est très certainement une grippe.
Des virus qui varient dans le temps
La particularité du virus de la grippe est qu’il mute chaque année : en se mélangeant avec des virus grippaux d’origine animale, le virus modifie les protéines qui sont exprimées à sa surface (« hémaglutinine » et « neuraminidase »), ce qui fait qu’il n’est plus reconnu par les systèmes de défense de l’organisme (anticorps et globules blancs). Ceux-ci ne le reconnaissent pas. En cas de changement mineur, c’est une épidémie plus ou moins forte. En cas de changement majeur, c’est une pandémie au niveau mondial avec des risques très sérieux.
Les virus sont décris en fonction de leur type (A ou B) et des protéines hémaglutinines (« H ») ou neuraminidases qu’ils portent (« N ») à leur surface. Au cours d'une épidémie, il peut y avoir plusieurs virus en circulation et c'est ce qui s'est passé l'année dernière où l'épidémie a tellement duré que le vaccin qui était efficace jusqu'en janvier est devenu moins efficace contre le 2e virus qui est apparu ensuite. Chaque année donc, les experts de l'OMS, en se basant sur de nombreux prélèvement viraux, détermine un cocktail de souches virales pour fabriquer le virus. C'est un pari, mais le "vaccin universel" qui doit être dirigé contre une structure stable du virus n'est pas annoncé avant plusieurs années.
Les antibiotiques ne servent à rien
La grippe est un virus, donc insensible aux antibiotiques. Ceux-ci ne sont prescrits que si une bactérie profite de l’état de faiblesse de l’organisme et des bronches pulmonaires pour le surinfecter secondairement. Si ce n’est pas le cas, et dans les formes bénignes, des boissons abondantes, du paracétamol… et le repos au lit suffisent !
Il existe des antiviraux spécifiques de la grippe, mais ceux-ci ne sont efficaces que s'ils sont pris dans les 24 à 48 premières heures de l'infection, ce qui n'est pas toujours évident. Par ailleurs, des résistances du virus apparaissent rapidement. Un nouvel antivirus, appelé baloxavir, serait efficace contre de la grippe, selon une nouvelle étude. En prise unique, il est aussi efficace que l'oseltamivir, mais il provoque néanmoins la formation de souches de virus résistant et ne peut donc pas remplacer pas la vaccination. Il pourra éventuellement être prescrit chez les personnes fragiles qui ne peuvent pas avoir la vaccination.
La vaccination est le premier moyen de protection
La campagne nationale de vaccination contre la grippe saisonnière, qui débute le 6 octobre, se terminera le 31 janvier. Elle intègre des vaccins tétravalents, c'est-à-dire des vaccins dirigés contre 4 souches de virus qui sont actuellement en circulation selon l'Organisation mondiale de la santé. Conformément à ses recommandations, le vaccin grippal 2018 contient les virus suivants :
• Un virus de type A/Michigan/45/2015 (H1N1) pdm09 ;
• Un virus de type A/Singapore/INFIMH-16-0019/2016 (H3N2) ;
• Un virus de type B/Colorado/06/2017 (lignée B/Victoria/2/87) ;
• Un virus de type B/Phuket/3073/2013 (lignée B/Yamagata/16/88).
Les 3 premières souches sont des souches virales recommandées pour entrer dans la composition des vaccins trivalents contre la grippe, et la dernière est une souche virale supplémentaire recommandée pour les vaccins antigrippaux tétravalents.
La Direction générale de la santé, l’Assurance Maladie et Santé publique France rappellent que la vaccination reste le meilleur moyen pour se protéger contre la grippe et en limiter les complications. La protection devient effective en seulement deux semaines ce qui fait que l'on peut encore se vacciné si l'on n'a pas pu le faire jusque tard dans l'année. Mais il vaut mieux ne pas remettre à demain ce qu el'on peut faire aujourd'hui. Le virus se modifiant chaque année, il faut se vacciner chaque année également.
La vaccination "ne protègerait pas suffisamment" contre la grippe
Chaque année, on entend ce refrain : "je me suis vacciné contre la grippe et cela m'a rendu malade" ou "j'ai été vacciné contre la grippe et j'ai quand même été malade". Il faut d'abord savoir que beaucoup d'infections à d'autres virus respiratoires sont en circulation à patrir du mois d'octobre et sont capables de simuler une grippe : l'infection que vous faites après le vaccin n'est donc pas forcément une grippe. Ceci étant dit, il est vrai que, du fait des nombreuses et permanentes mutations des virus, le cocktail vaccinal déterminé par l'OMS ne protège pas à 100% contre la grippe.
Par contre, et c'est là son principal objectif, il protège contre les formes sévères de la grippe : chaque année, 90% des décès concernent des personnes âgées de 65 ans et plus, même si on a pu observer un certain nombre de décès chez de très jeunes enfants (qui sont plutôt lié à une réponse immunitaire excessive qu'au virus). Des études (délicates à mener) sont également réalisées chaque années pour voir si le vaccin permet d'éviter des hospitalisations et il en ressort que près d'une hospitalisation sur 2 peut être évitée grâce au vaccin anti-grippal.
Les pharmaciens se lancent dans la bataille
Si vous habitez en Nouvelle-Aquitaine, en Auvergne Rhône-Alpes, dans les Hauts-de-France et en Occitanie, vous pourrez vous faire vacciner contre la grippe… chez votre pharmacien, y compris si vous êtes une femme enceinte. Depuis octobre 2017 en effet, le ministère des Solidarités et de la Santé s’est lancé dans l’expérimentation de la vaccination dans les officines pour mieux lutter contre la grippe saisonnière. La vaccination doit être faite dans une salle à part, le pharmacien doit connaître les antécédents du patient et doit rester 15 à 30 minutes avec lui après la vaccination pour s’assurer que celui-ci ne subit pas d’effets secondaires.
L’objectif de cette mesure est d’inciter les pesonnes, et surtout les plus à risque, à se faire vacciner et à simplifier le parcours vaccinal. Actuellement, la couverture vaccinale de la grippe saisonnière est en dessous des 50% pour la population à risque. La volonté du gouvernement est de passer à 75%. Les pays qui ont la meilleure couverture vaccinale sont ceux ou tous les professionnels de santé sont autorisés à vacciner.
Des moyens de protection basés sur le risque de contagion
Un malade est contagieux un à 2 jours avant l’apparition des signes de la maladie et le reste 1 à 3 jours après, parfois plus chez l’enfant. Lors d’une épidémie, les virus de la grippe vont contaminer le malade par voie respiratoire. Les malades ne sont pas seulement contagieux lors de la toux ou des éternuement. Une étude a montré que les virus étaient simplement présent dans l'air expiré. Inhalés avec l’air infecté, les virus vont se déposer sur les cellules qui tapissent la surface des voies respiratoires : la gorge et les bronches. Il peuvent également se déposer sur les mains lorsque l’on se mouche, et ensuite sur les poignées de porte ou les objets du quotidien et y rester vivants quelques heures, surtout quand il fait froid et humide.
Si l'on est malade, il faut donc respecter les mesures barrières pour limiter la diffusion du virus :
• Il est important de se laver régulièrement et soigneusement les mains : au minimum avant de préparer le repas ou de manger, après s’être mouché, avoir éternué ou toussé en mettant sa main devant la bouche.
• Il vaut mieux se servir d’un mouchoir jetable pour se moucher, tousser, éternuer ou cracher, et il faut le jeter aussitôt après.
• Il faut éviter de serrer les mains ou d’embrasser pour dire bonjour.
• Il vaut mieux éviter de sortir et porter un masque pour rendre visite à une personne fragile.
• Il faut ouvrir les fenêtres tous les jours pour aérer et diminuer la concentration en virus.
• Il ne faut pas se toucher les yeux, la bouche ou le nez, sans s’être lavé les mains au préalable, surtout après une sortie.
Le cas particulier des nourrissons
Les nourrissons, en particulier ceux de moins de six mois, ont également des risques accrus de complications graves lors d’une grippe. Toutefois, comme ils ne peuvent pas encore bénéficier du vaccin, ils doivent être protégés par leurs proches grâce aux « gestes barrière » : isolement au domicile pendant l’épidémie, pour ne pas l’exposer à des personnes malades dans les lieux publiques ou les transports en communs, lavage systématique des mains avant de s’en occuper, voire vaccination de l’entourage familial.
Quand faut-il appeler le médecin
Il est normal d’être fatigué et mal à l’aise en cas de grippe, et surtout après. Il n’est pas forcément nécessaire d’appeler le médecin qui est souvent débordé en période d’épidémie.
Mais il ne faut pas hésiter à appeler le médecin traitant dans certaines situations à risque :
• Femme enceinte ;
• Grippe du nourrisson
• Age supérieur à 65 ans
• Maladie chronique (diabète, insuffisance cardiaque, respiratoire ou rénale…)
• Ou si la grippe paraît très agressive :
• Fièvre élevée (plus de 40° C) ou mal supportée
• Signes inhabituels : essoufflement au repos ou difficulté pour respirer, toux productive avec expectorations d’aspect purulent…)
• S’il y a une brusque aggravation et en l’absence d’amélioration sous 72 h.