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Interactions sociales

Garde en crèche : des enfants plus stables au plan comportemental et émotionnel

Par Dr Philippe Montereau

Les enfants qui ont très tôt un mode de garde collectif (crèche, assistance maternelle...) rencontrent moins de problèmes émotionnels ou de difficultés relationnelles ultérieurement. Les relations sociales s'apprennent tôt selon une récente étude menée par l'Inserm.

FamVeld/iStock

De nombreux parents pensent qu'il est plus épanouissant pour leurs enfants de rester auprès d'eux durant leurs premières années de vie, avant leur entrée en maternelle. Ils multiplient les interactions et les expériences tout en les protégeant des infections et des agressions éventuelles. Pas sûr que ce soit ce qu'il y a de mieux pour leur avenir.

Les théories se suivent et ne se ressemblent pas sur l'éducation de l'enfant de 0 à 3 ans : la place de l'enfant est-elle auprès de ses parents, ou est-il bénéfique qu'il interagisse avec les autres enfants dès son plus jeune âge ? Les enfants de moins de 3 ans sont-ils vraiment prêts à affronter la collectivité ?

Supériorité du mode de garde collectif

Les résultats de l'étude sont clairs : les enfants qui ont fréquenté un mode de garde collectif avant 3 ans sont moins susceptibles d'avoir des problèmes émotionnels ou des difficultés relationnelles entre 3 et 8 ans. Ils ont aussi un comportement plus "prosocial", c’est-à-dire plus empathique. Cela pourrait être dû au fait qu'ils ont appris très tôt à jouer avec les autres enfants et à surtout, à partager.

"L’accès à un mode de garde collectif entre 0 et 3 ans représente une opportunité pour les enfants qui en bénéficient puisqu'il est associé à un meilleur développement psychologique et émotionnel par la suite," explique Maria Melchior, chercheuse à Inserm. Un autre avantage potentiel pourrait être l'éducation précoce du système immunitaire et l'acquisition d'une certaine résistance aux infections avant l'arrivée à l'école.

Les enfants de la cohorte EDEN

Des chercheurs de l’Inserm, ainsi que des universités de la Sorbonne et de Bordeaux, ont étudié l’influence du mode de garde pendant les trois premières années de vie sur le développement comportemental et émotionnel des enfants. Pour ce faire, ils ont étudié les 1428 enfants de la cohorte EDEN (Etude sur les Déterminants pré- et post-natals précoces du développement psychomoteur et de la santé de l’Enfant), qui a suivi des mères pendant leur grossesse, puis leurs enfants jusqu’à l'âge de 8 ans.

Les mères ont communiqué le mode de garde principal utilisé pour leur enfant à différents âges : 4 mois, 8 mois, 1 an, 2 ans et 3 ans. Les modes de garde ont été classé en 3 catégorie : mode de garde informel (principalement les parents et parfois les grands-parents, voisins...), assistante maternelle ou mode de garde collectif (garderie, crèche). Puis à 3 ans, 5 ans et demi, et 8 ans, les mères ont également rempli un questionnaire destiné à mesurer les symptômes comportementaux et émotionnels de leur enfant à travers 5 échelles (symptômes émotionnels, problèmes relationnels, hyperactivité-inattention, problèmes de comportement, et comportement prosocial).

A quel âge l'enfant peut-il être inscrit en crèche ?

En France, les bébés sont acceptés en crèche à partir de 2 mois. Mais selon Miriam Rasse, psychologue en crèches et directrice de l’Association Pikler-Loczy, "il est important de rappeler, qu’à la naissance, l’enfant n’a pas conscience qu’il est une autre personne. Il se confond avec sa mère, son entourage ou son environnement. C'est vers 8 mois, qu'il commence à comprendre que sa mère et lui ne forment pas un tout, d’où la peur de la séparation".

Interrogée sur l'âge, où il est bénéfique d'inscrire son enfant en crècheMaria Melchior explique que si son étude a démontré qu'un mode de garde collectif stimule le développement émotionnel et relationnel des enfants, leur âge d'entrée en crèche n'a pas été étudié spécifiquement. "Nous avons cependant remarqué que les enfants inscrits avant 12 mois en tiraient des bénéfiques favorables à long terme. De même que ceux y étant restés plus d'un an, comparativement à d'autres y étant restés moins longtemps". La chercheuse ajoute que l'enfant peut construire son individualité au contact d'autres enfants ou d'autres adultes que sa mère.

L'obstacle de la pénurie des solutions de garde d'enfants en France

Même si ces résultats sont encourageants, il subsiste un obstacle de taille : la pénurie de solutions d'accueil en France rend la garde des enfants de moins de 3 ans difficile. Selon le rapport 2016 de l'Observatoire national de la petite enfance de la Caf, au 1er janvier 2016, la France comptait 2,3 millions de moins de 3 ans et 56% d'entre eux disposaient d’une place dans l’un des différents modes de garde officiels (crèche, école maternelle, assistante maternelle ou emploi à domicile). "La capacité théorique d’accueil des modes d’accueil 'formels' pour 100 enfants de moins de 3 ans a donc progressé", puisqu'elle est passée de 50,5 places en 2010 à 56,1 places en 2014, mais reste insuffisante. 

"L'offre actuelle de modes d’accueil est encore loin de couvrir la demande des parents, tant sur le plan quantitatif que dans sa diversité et sa localisation", note le rapport 2018 du Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'adolescence (HCFEA) sur "l'accueil des enfants de moins de 3 ans". D'ici à 2022 et considérant les évolutions démographiques, politiques et économiques, le HCFEA estime qu'un effort doit être fait pour créer 230 000 solutions d'accueil supplémentaires.