De précédentes études ont pointé du doigt les effets potentiellement ravageurs sur la santé de l’exposition prolongée à la lumière bleue. Des scientifiques ont déjà démontré que cette lumière bleue pouvait perturber le sommeil et favoriser la myopie, notamment chez les jeunes. En juillet dernier, une étude américaine a montré que celle-ci attaque la rétine des yeux pouvant rendre aveugle, surtout les plus jeunes.
Les écrans bleus inondent notre quotidien
"Dans nos sociétés modernes, on est vraiment inondé de lumière bleue, à hauteur de 6 heures par jour en moyenne en France", souligne Catherine Grillon, chercheuse en biologie de la peau dans un laboratoire du CNRS à Orléans. Smartphone, tablette, liseuse, écran d’ordinateur… les sources de lumière bleue ont envahi notre quotidien.
Une exposition importante et chronique "peut être délétère" également pour la peau, entraînant un "stress oxydant" contribuant au vieillissement cutané, admet la chercheuse. Pourtant, à petite dose, la lumière bleue n'est pas nocive: elle est même utilisée comme thérapie contre des maladies de la peau comme l'acné, l'eczéma ou le psoriasis, voire certaines maladies dentaires.
Un business florissant
Depuis quelques années, les acteurs de la cosmétique ont saisi l’opportunité commerciale que représente la lutte contre les effets néfastes sur la peau de l’exposition à la lumière bleue. De nombreuses PME se sont engouffrées dans ce nouveau business tandis que les grands groupes n’ont pas encore montré d’intérêt prononcé.
Pourtant, lorsque le laboratoire Uriage a commencé à creuser la question en 2014, "il y avait vraiment très peu de choses" sur le sujet dans la littérature scientifique, se rappelle Luc Lefeuvre, directeur de la recherche-développement de la société.
Réalité scientifique ou opportunité commerciale ?
C’est à se demander si cette opportunité commerciale se base sur de réelles preuves scientifiques. "C'est certain que sur des modèles de peau, comme on veut voir des différences et l'action de nos produits, on maximalise la dose de manière à déclencher un effet sur la peau", reconnaît le chercheur. "Je sais que mon produit a une efficacité contre la lumière bleue, mais j'ai encore du mal à faire la corrélation entre l'exposition de mon modèle et la réalité", résume-t-il.
Pour aller plus loin, "il faudrait se mettre en conditions de vie réelles. Mais comme c'est une radiation beaucoup moins agressive que les rayons ultraviolets, l'impact de la lumière bleue va apparaître peut-être au bout de quelques mois, quelques années, voire beaucoup plus tardivement", ajoute Luc Lefeuvre.
La découverte d’une preuve scientifique s’annonce difficile
Certains fournisseurs d’actifs cosmétiques ont commencé des essais cliniques afin d’obtenir des réponses concrètes. Là encore, elles sont limitées puisqu’elles ne portent que sur une dizaine de volontaires accros aux écrans et qui ne sont suivis que sur quelques semaines. "Comme les UV ne sont pas très loin de la lumière bleue dans le spectre des longueurs d'ondes, il n'est pas forcément évident de différencier" leurs effets respectifs sur la peau, relève Catherine Grillon du CNRS.
"Il y a un effet marketing, ça c'est sûr, comme tout autre prétexte pour vendre une crème", confirme la chercheuse. Tatsu Kurebe, un entrepreneur japonais dans l'industrie cosmétique, confirme cette tendance. "Au Japon, certaines sociétés commercialisent aussi des produits anti-lumière bleue, mais ce n'est pas un sujet brûlant. Il n'y a aucune preuve qui étaye" leurs affirmations, balaie-t-il.