Vous avez beau avoir un lumbago, 40°C de fièvre ou une migraine carabinée, vous persistez à vous rendre au travail et à faire bonne figure devant vos responsables et vos collègues ?
Vous auriez pourtant mieux fait de rester de chez vous et de vous soigner. Alors que le Médef vient de préconiser de "faire la chasse" aux médecins généralistes prescrivant trop d’arrêts maladie, il semblerait pourtant qu’un Français sur deux soit plutôt adepte du surprésentéisme que des arrêts non justifiés. Selon une étude de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, la France est en effet l’un des pays où le temps de surprésentéisme est le plus élevé : 48% des Français se rendent en effet au travail au moins une fois dans l’année alors qu’ils sont malades.
La culpabilité, la crainte d’être placardisé ou de subir une perte de salaire les pousse en effet à quitter leur lit pour se rendre sur leur lieu de travail, quitte à ne pas être au meilleur de leur productivité. "Le présentéisme est une notion fourre-tout qui peut prendre plusieurs forme : il peut être contemplatif - être présent physiquement au travail mais occupé à faire autre chose -, ou compétitif – pour se faire bien voir de son patron et de ses collègues. Le surprésentéisme consiste, lui, à travailler alors qu’un arrêt de travail aurait été légitime eu égard à son état de santé dégradé", expliquait en 2013 à Terrafemina le sociologue Denis Monneuse à l'occasion de la sortie de son livre Le surprésentéisme : travailler malgré la maladie (Éditions De Boeck).
Un risque pour la santé des salariés
Pourtant, de nombreux spécialistes s’accordent à dire qu’il vaut mieux profiter d’un arrêt maladie plutôt que de se rendre au travail malade et peut-être contagieux. Parmi eux, David Spencer, professeur d’économie à l’Université de Leeds, au Royaume-Uni. Cité par Ouest France, il explique que non seulement un salarié malade guérit moins vite, mais il risque aussi de contaminer d’autres collègues. "Les salariés qui travaillent alors qu’ils sont malades courent le risque d’avoir des problèmes de santé plus importants", avertit-il aussi.
"Toutes les études montrent que le surprésentéisme dégrade l’état de santé des salariés qui s’y adonnent", affirme Denis Monneuse. "Au lieu de s’arrêter quelques jours, ils risquent de devoir s’absenter pour une période plus longue quelques mois ou quelques années plus tard. Car la pathologie s’aggrave du fait de l’absence d’un temps de convalescence. Dans les cas extrêmes, le surprésentéisme peut mener au burn-out ou à des accidents vasculaires cérébraux."
Cette situation est d’autant plus dommageable qu’elle risque de peser sur la carrière du salarié concerné. Considéré comme "un salarié cassé qui n’est plus à même d’occuper un poste à responsabilités", il encourt le risque d’être mis de côté par son employeur.
Une situation qui devrait peser, de surcroît, sur sa carrière professionnelle, étant alors considéré comme "un salarié cassé qui n’est plus à même d’occuper un poste à responsabilités" par son employeur.
Le surprésentéisme, un coût pour l’entreprise
Les entreprises prennent aussi des risques à voir venir leurs salariés malades au bureau. D’abord, celui de perdre en productivité. "Mieux vaut ne pas venir travailler en étant malade ! Cela conduit à de mauvaises performances car les salariés travaillent en deçà de leurs capacités", met en garde David Spencer.
En résulte une perte de productivité qui nuit aux entreprises elles-mêmes. Moins attentif et moins productif, un salarié malade "risque de commettre des erreurs d’inattention qui peuvent se traduire par un accident de travail ou une baisse de la qualité des biens et des services produits", estime Denis Monneuse, qui met aussi en avant un risque de dégradation des relations sociales : un salarié malade est en effet moins patient et plus irritable.
Le risque d’accident du travail est donc aussi bien plus grand lorsque le salarié n’est pas au mieux de sa forme. "Le travailleur en mauvaise forme peut mettre en danger les clients potentiels et ne pas remplir des conditions de sécurité optimales", abonde David Spencer l’économiste.
Fondateur du cabinet Midori Consulting, expert en qualité de vie au travail, Matthieu Poirot estime le coût du surprésentéisme en entreprise entre 13,7 et 24,9 milliards d’euros par an. Soit, pour une entreprise moyenne versant 50 000 euros de salaire par an à chaque salarié, une somme comprise entre 970 et 1 250 euros par an et par salarié.
D’où la nécessité pour les employeurs d’inclure une sensibilisation aux conséquences du surprésentéisme dans la culture de leur entreprise. Mais aussi d’être plus souple avec leurs salariés malades. "Les entreprises doivent fournir de meilleures dispositions pour les congés maladie", estime David Spencer, qui table aussi sur "de meilleures politiques de protection de l’emploi" et de "meilleures indemnités maladies" pour les salariés en arrêt.