La chlamydia a beau être l’une des infections sexuellement transmissibles (IST) les plus répandues chez les jeunes femmes et sexuellement actives, elle reste relativement peu connue. Provoquée par une bactérie (Chlamydia trachomatis), elle fait aujourd’hui l’objet d’une attention particulière de la part de la Haute autorité de santé (HAS). Dans un communiqué rendu public mardi 27 octobre, l’organisme recommande le dépistage systématique chez les jeunes femmes âgées de 15 à 25 ans et sexuellement actives.
Une infection sexuellement transmissible asymptomatique
Car il y a urgence à enrayer la progression de la chlamydia, estime la HAS. Touchant près d'un million de personnes en France, cette IST se soigne par antibiotique quand elle est dépistée. Or, la chlamydia est, dans la majorité des cas, asymptomatique : entre 60% et 70% des femmes infectées par la bactérie ne ressentent aucun symptôme et ignorent donc qu’elles l'ont contractée. "Ceci favorise la survenue de complications et la transmission de la bactérie au sein de la population", explique la Haute autorité de santé.
Cela la rend particulièrement redoutable. Si elle n’est pas soignée à temps, l’infection peut engendrer de sévères complications chez les jeunes femmes, comme "des atteintes inflammatoires pelviennes, des salpingies, une grossesse extra-utérine ou une stérilité tubaire (trompes bouchées)", liste la HAS. Certaines souches de la maladie sont aussi à l’origine du trachome, une infection oculaire qui peut rendre aveugle. L’infection à la chlamydiose reste d’ailleurs la principale cause de cécité dans les pays défavorisés.
"Autant chez l’homme, il peut y avoir des symptômes évidents car ils développent souvent une urétrite, c’est-à-dire une irritation du canal urinaire avec des picotements en urinant et un écoulement. Mais chez la femme, c’est beaucoup plus compliqué", explique au Figaro le Dr Jean-Marc Bohbot, médecin infectiologue, directeur médical à l’Institut Alfred Fournier à Paris.
Un dépistage systématique pour limiter la propagation de l’infection
Selon la Haute autorité de santé, le dépistage permettra non seulement de "réduire le risque de complications à long terme chez la femme", mais aussi de "limiter la propagation de l’infection au sein de la population, grâce à un traitement précoce". Ce dépistage, annuel, pourrait être répété tous les trois à six mois après traitement en cas de résultat positif, recommande la HAS. L’organisme souhaite le rendre systématique aux femmes sexuellement actives de 15 à 25 ans, y compris chez les femmes enceintes.
Un dépistage "opportuniste" pourrait aussi être proposé aux hommes quel que soit leur âge, ainsi qu’aux "femmes enceintes consultant pour une IVG sans limite d’âge" et aux femmes de plus de 25 ans qui présentent des facteurs de risque. Ces facteurs sont nombreux : multipartenariat, changement récent de partenaire, homme ayant eu des relations sexuelles homosexuelles, prostitution, individus ou partenaire diagnostiqué avec une autre IST, après un viol…
La Haute Autorité de santé recommande que le dépistage soit avant tout être effectué par les médecins généralistes, les gynécologues et les sages-femmes. Il pourra aussi être réalisé par auto-prélèvement, vaginal pour la femme, urinaire pour l’homme, et proposé dans tous les lieux de dépistage. En revanche, estime la HAS, les tests de diagnostic rapide (TDR) "ne sont aujourd’hui pas suffisamment performants dans le dépistage" de la chlamydia.
L’efficacité des dépistages opportunistes remise en question
Pourtant recommandé par la Haute autorité de santé et les autorités sanitaires de plusieurs pays, le dépistage opportuniste de la chlamydia fait l’objet ces jours-ci d’une étude qui remet en question son efficacité. Dans un article publié le 20 octobre dans la revue The Lancet, des chercheurs de l’Université de Melbourne expliquent avoir étudié les effets du dépistage opportuniste de la chlamydiose dans les soins primaires sur la prévalence estimée de l’IST chez les Australiens âgés de 16 à 29 ans.
Entre 2010 et 2015 et sur une durée de 3 à 1 an, 93 828 jeunes adultes répartis dans 63 cliniques ont bénéficié d’un dépistage opportuniste de la chlamydia à deux reprises : avant la randomisation (enquête 1) et à la fin de l’étude (enquête 2). 86 527 autres ont été suivis dans des cliniques témoins ne pratiquant pas de prévention ni de dépistage opportuniste de l’IST.
À l’issue de leurs recherches, les scientifiques ont constaté que la prévalence estimée de la chlamydiose avait diminué de 5% à 0% à l'enquête 1, et à 3-4 % à l'enquête 2 dans les groupes où le dépistage opportuniste a été réalisé. Dans les groupes témoins, la prévalence a diminué à 4-6% à l’enquête 1 et à 3-4% à l’enquête 2. "Ces résultats, conjugués aux données probantes sur la faisabilité d'un recours soutenu au dépistage opportuniste dans le contexte des soins primaires, indiquent qu'il pourrait être impossible de réduire considérablement la prévalence de la chlamydiose", écrivent les auteurs de l’étude.