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Rôle des canaux ioniques

Cancer : il sera bientôt possible de traiter les cellules cancéreuses en analysant leur activité électrique

Par Charlotte Arce

Et s’il était possible de diagnostiquer, mais aussi de soigner le cancer, en analysant l’activité électrique de nos cellules ? C’est le postulat du chercheur Sébastien Roger qui estime que la recherche sera bientôt capable de traiter le développement de métastases en mesurant la signature électrique des cellules.

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Sera-t-on bientôt capables de prédire l’apparition de tumeurs cancéreuses grâce à l’activité électrique générée par nos cellules ? C’est l’espoir de nombreux chercheurs qui misent sur une discipline, l’électrophysiologie, pour réussir à mieux détecter l’apparition de métastases et ainsi traiter plus efficacement les tumeurs cancéreuses.

Leur méthode a été expliquée par Sébastien Roger, maître de conférences en physiologie à l'université de Tours, Institut Universitaire de France (IUF) dans un article du site The Conversation.

L’activité ionique de nos cellules

Comme le rappelle le scientifique, l’ensemble de notre organisme génère une activité électrique, à commencer par nos cellules. Pour communiquer entre elles, elles ont à leur surface des protéines appelées "canaux ioniques", et qui permettent la circulation d’ions à travers leur membranes. Lorsque ces canaux ioniques s’ouvrent, les ions passent et génèrent ainsi une très faible charge électrique, dite "ionique", "de quelques millionièmes de millionièmes (pico-) à quelques milliardièmes (nano-) d’ampère".

Bien que présente dans tout notre organisme, cette activité ionique est propre chaque tissus et organes et permet leur bon fonctionnement. Nos activités nerveuses, musculaires et cardiaques notamment, fonctionnent grâce à ce "courant" électrique généré par nos cellules. "Le signal électrique est utilisé pour véhiculer très rapidement une information sur une cellule ou entre les cellules, entraîner la libération d’une molécule permettant aux cellules de communiquer entre elles, synchroniser la contraction d’un muscle…", détaille Sébastien Roger, qui poursuit en expliquant qu’un mauvais fonctionnement de ces canaux ioniques peut entraîner de graves pathologies appelées "canalopathies", qui se traduisent par "des arythmies cardiaques, des crises d’épilepsie, des troubles musculaires, des douleurs, des cas de surdité, du diabète ou même des maladies telles que la mucoviscidose".

Une "signature électrique" spécifique chez les cellules cancéreuses

Les cellules cancéreuses aussi se servent de ces canaux ioniques pour se développer. De récents travaux menés par des chercheurs de l’Université François-Rabelais de Tours ont notamment montré que l’apparition de métastases reposait notamment sur la capacité des cellules cancéreuses à développer leurs propres canaux ioniques. "Ces derniers n’existent pas à la surface des cellules normales dont elles sont issues", explique Sébastien Roger. "L’activité de ces canaux inhabituels est 'anormale', donnant à ces cellules une ‘signature électrique’ spécifique. Cette signature peut être associée à des propriétés de survie, d’hyperprolifération ou d’agressivité", analyse-t-il.

Le chercheur poursuit son développement en expliquant que les cellules cancéreuses se servent des canaux sodiques dépendants du voltage (canaux NaV) pour développer des métastases. "Ces canaux, qui sont normalement exprimés dans des cellules nerveuses ou musculaires et dont le rôle est primordial pour l’excitabilité électrique de ces tissus, ont été retrouvés exprimés de façon aberrante dans les tumeurs du sein, du poumon, de la prostate, du côlon, de l’estomac, du col de l’utérus, etc.", écrit-il.

"Couper le courant" des cellules cancéreuses pour réduire leur invasivité

Le problème est qu’à l’heure actuelle, il n’existe "aucun marqueur ni traitement spécifique du développement des métastases, pourtant responsable de la majeure partie de la mortalité associée aux cancers".

Les chercheurs de l’Unité Inserm – Université de Tours "Nutrition, Croissance et Cancer" planchent donc sur une manière d’utiliser cette signature électrique pour réduire la croissance des tumeurs et le développement de métastases. Ils ont notamment démontré que les NaV stimulent l’activité de dégradation des tissus par les cellules cancéreuses, ainsi que la migration de ces dernières.

Ils étudient aussi de près le lien entre alimentation et santé, et notamment le rôle joué par les oméga-3 dans la réduction de l’expression des canaux NaV dans les cellules cancéreuses, et ainsi dans la réduction de leur invasivité.

Pour Sébastien Roger, ces travaux ouvrent "de belles perspectives non seulement en termes de diagnostic, mais aussi de traitement". Il espère qu’il sera bientôt possible d’utiliser certains médicaments déjà sur le marché afin de moduler l’activité des canaux ioniques dans les cellules cancéreuses. "Une prise en charge alimentaire des patients, comportant notamment des apports lipidiques contrôlés, pourrait aussi permettre de mieux les soigner", conclut-il.

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