Le vieillissement prématuré des ovaires et la ménopause précoce sont deux des effets secondaires de la chimiothérapie que connaissent entre la moitié et deux tiers des femmes jeunes traitées pour un cancer du sein. En résulte, une fertilité diminuée, voire, dans certains cas, une stérilité, qui pèse lourdement sur la vie de ces femmes. Un traitement hormonal pourrait toutefois leur permettre de préserver leur fertilité en diminuant le risque de ménopause précoce après un traitement chimiothérapeutique pour le cancer du sein.
Déjà disponible et appelé goséréline, ce traitement hormonal vient de faire l’objet d’un nouvel essai clinique mené par le Southwest Oncology Group (SWOG), qui montre que les femmes recevant des injections de goséréline (qui bloque le fonctionnement de leurs ovaires) pendant la chimiothérapie, sont plus susceptibles de tomber enceintes, et ce, sans effets secondaires négatifs et sans risque pour leur santé.
Une fertilité mieux préservée
Pour les femmes suivies dans le cadre d’un traitement contre le cancer du sein, la chimiothérapie augmente le risque d’insuffisance ovarienne. Ce traitement toxique diminue en effet bien souvent la quantité et la qualité des ovules stockés dans les ovaires, ovules qui sont fragiles et ne se renouvellent pas (la femme adulte a un capital d'ovules qui est fixe). Aujourd’hui, la seule option pour les femmes jeunes de mettre toutes les chances de leurs côtés pour espérer porter un jour leur enfant, est de recourir à la congélation d’ovules ou même d’embryons avant d’entamer leur traitement anticancéreux.
La goséréline pourrait les aider à préserver leur fertilité sans recourir à la conservation d’ovocytes. "La goséréline protège les ovaires des effets de la chimiothérapie, réduisant ainsi le risque de ménopause précoce. Grâce à ces injections, davantage de femmes tombent enceintes sans nuire à leur santé ni à leurs chances de survivre à leur cancer", explique Halle Moore, chercheuse principale de l'étude POEMS et professeure agrégée de médecine à la Cleveland Clinic.
Une étude de référence
Les résultats de son étude appelée "Prevention of Early Menopause Study" (POEMS) viennent d’être publiés dans le Journal of National Cancer Institute. Ils font suite à un essai randomisé de phase III mené entre 2004 et 2011 auprès de 218 femmes non-ménopausées atteintes d’un cancer du sein négatif aux récepteurs hormonaux, les plaçant dans deux groupes d'étude. Moins courant, le cancer du sein négatif aux récepteurs hormonaux ne "se nourrit pas" d'œstrogène ni de progestérone et ne répond généralement pas aux médicaments qui ciblent ces hormones. Dans le cadre de l’essai, un groupe a reçu un traitement de chimiothérapie standard et l'autre un traitement de chimiothérapie standard associé à la goséréline.
Les premiers résultats dévoilés en 2014 avaient montré que 22% des patientes sous traitement standard avaient présenté une insuffisance ovarienne, contre seulement 8% de celles ayant reçu de la goséréline. En outre, ces résultats ont également montré que seules 12% des patientes du traitement standard sont tombées enceintes, contre 22% des femmes qui ont reçu de la goséréline.
Les nouveaux résultats, qui incluent cinq années de suivi supplémentaires, montrent des effets similaires. En moyenne, 23% des femmes prenant de la goséréline sont tombées enceintes, contre 12% sous traitement standard.
Un taux de survie supérieur
Les femmes ayant pris de la goséréline ont aussi présenté des taux de survie supérieurs à ceux des femmes ayant reçu une chimiothérapie standard.Cinq ans après le traitement, 88% des femmes prenant de la goséréline étaient en vie et ne présentaient aucune maladie, contre 79% des femmes traitées par la chimiothérapie standard. Bien que les différences de survie ne soient pas statistiquement significatives, 92% des femmes prenant de la goséréline étaient en vie à cinq ans, contre 83% des patientes du groupe contrôle.
"Nos résultats définitifs montrent un moyen d'améliorer la qualité de vie des jeunes femmes atteintes d'un cancer du sein négatif aux récepteurs hormonaux. Si elles veulent être mères, elles peuvent augmenter leurs chances de manière efficace et en toute sécurité. Je suis fier de ce résultat, et de notre équipe", a déclaré le Dr Moore.