Dans un pays développé comme la France, 530 ruptures de stock de médicaments ont été signalées en 2017, dont beaucoup concernent des médicaments "d'intérêt thérapeutique majeur". C'est une augmentation de 30% des pénuries de médicaments par rapport à 2016. Un collectif de malades, souffrant de maladie de Parkinson et qui n'arrivent plus à se traiter, dénoncent cette situation ubuesque.
Il ne s’agit donc pas de nouveaux médicaments ou de médicaments mineurs, on parle ici de produits anciens dont l’usage thérapeutique est considéré comme ayant un apport majeur et dont on connaît à l'avance la consommation, presque au jour le jour, et principalement dispensés à l’hôpital ou vendus en officine.
Pour les anti-parkinsoniens, l'association France Parkinson alerte les pouvoirs publiques sur des ruptures de stock de Sinemet® qui empêchent le traitement de 60% des 200 000 malades. Pour les anticancéreux, c’est la même chose pour le 5FU ou la vincristine, 2 produits majeurs qui entrent dans la composition de nombreuses combinaisons chimiothérapeutiques. Pour les antibiotiques, il ne s’agit pas moins de l’amoxicilline, un antibiotique couramment prescrit, qui manque régulièrement à l'appel. Sans parler des vaccins...
Des causes de ruptures nombreuses et multifactorielles
D'après l'Ordre des Pharmaciens, les causes de ces ruptures sont à la fois « nombreuses et multifactorielles ». Parmi les principales, il y a la capacité de production insuffisante. La plupart des médicaments génériques ne sont plus fabriqués en France : 70% des molécules permettant de fabriquer la plupart des traitements sont fabriqués aux États-Unis ou en Asie, sur un nombre restreint de sites. Au moindre problème dans une usine, c’est la catastrophe.
Pour certains produits, c'est le le retard de production ou l'incapacité de production dans une des quelques usines qui restent par manque des molécules nécessaires à la composition du médicaments : ces causes touchent toutes les usines dans le monde qui produisent différents médicaments à partir d'une molécule indispensable. Ces causes sont responsables de 17% des ruptures selon l’ANSM).
Le phénomène est encore aggravé par la volonté de restreindre des stocks qui coutent de l'argent aux laboratoires et le principe des "flux tendus" qui en résulte : pour éviter les coûts liés aux stocks, les laboratoires réduisent ceux-ci au maximum, et le stock est dans les camions ou les bateaux. Au moindre problème météo ou politique, c'est la rupture assurée.
L'Ordre des pharmaciens cite aussi la mondialisation de la demande et la libre circulation des biens : quand les quantités de médicaments sont trop justes par rapport à la demande, les laboratoires préfèrent vendre aux pays qui payent le mieux (les plus offrants) et ce n’est le plus souvent pas le cas de la France.
Des mesures pour améliorer la surveillance
Pour faire face à cette situation insensée, le Sénat a créé une mission d'information et celle-ci a récemment fait des propositions. Les principales visent à relancer une production pharmaceutique de proximité, en France ou en Europe, à instituer un programme public de production et de distribution de quelques médicaments essentiels, à responsabiliser les industriels, à faciliter l’exercice professionnel des distributeurs et à développer la coopération européenne. Mais tout ceci se heurte à l'impératif des coûts...
Les États-Unis, confrontés au même problème, ont réagi et mis en place des solutions qui semblent marcher (fabrication de proximité, sécurisation de la distribution des produits essentiels (stocks stratégiques), accords de prix...). L'Académie Nationale de Pharmacie est au taquet : il est urgent que la France, et plus largement l’Union Européenne, prenne les mesures qui s’imposent pour le bien des patients qui vivent difficilement ces situations".